Ce n'est pas la première fois qu'une réforme fait l'objet d'un tel déluge d'amendements. François Hollande et Manuel Valls en ont eu leur part. Le réflexe du gouvernement, en pareille circonstance, c'est de dénoncer l'obstruction pratiquée par l'opposition (et même, dans le cas de Hollande, par les « frondeurs » socialistes). Cela rappelle une technique ancienne du Congrès américain, du nom de filibustering, où un élu prend la parole sans arrêt pendant des jours, comme s'il voulait battre un record du Guinness, mais en réalité avec l'intention de contraindre ses collègues à renoncer à voter un texte. Lorsqu'il a vu que, à cause des frondeurs de son propre parti, il risquait de ne pas avoir la majorité, Manuel Valls a utilisé le 49/3, article de la Constitution qui oblige les élus à voter une loi, sans quoi le président dissout l'Assemblée, ce qui met les députés en péril de ne pas retrouver leur siège.
Bien entendu, le 49/3 est considéré en général comme une mesure inique et n'est pas en odeur de sainteté dans les partis d'opposition, heureux de pouvoir le critiquer quand ils ne sont pas au pouvoir, mais pas au point de changer la Constitution, qui peut leur rendre des services au moment où ils reviennent aux affaires. Il est clair qu'Emmanuel Macron ne souhaite pas vivre des jours comparables à ceux de M. Hollande et qu'il ne prendrait pas de gaieté de cœur la décision d'appliquer le 49/3 alors qu'il dispose d'une très large majorité. Aussi bien n'y a-t-il pas de parti pour le lui demander et c'est pourquoi la France insoumise se livre à l'obstruction par la multiplication fantaisiste des amendements.
Comme pour ne pas avoir l'air de harceler le pouvoir avec des méthodes dont la légalité devraient être contestée, Jean-Luc Mélenchon a proposé au président de la République de retirer provisoirement le projet de loi sur la réforme des retraites et de prendre son temps pour calmer le jeu. Pour une fois, la suggestion n'est pas complètement machiavélique, même si elle court le risque d'être rapidement rejetée. Effectivement, l'aversion pour la réforme cristallise un ras-le-bol général à propos des retraites et M. Mélenchon a offert au pouvoir une porte de sortie, bien que, en réalité, il souhaite profondément que M. Macron finisse par l'oublier.
La patience est préférable
Tout ce que propose M. Mélenchon ne doit pas être suspect ? Ce n'est pas la question. Le chef de l'État fait un simple constat : le mouvement des gilets jaunes est dans un état de faiblesse extrême ; les grèves, les violences, les polémiques n'ont pas empêché le gouvernement d'adopter le texte en conseil des ministres et de le donner pour lecture à l'Assemblée. Les manœuvres pour empêcher son adoption sont vouées à l'échec. Si le projet est adopté à l'Assemblée, il sera certes examiné au Sénat où la majorité est favorable à la réforme des retraites, mais où elle demande beaucoup d'éclaircissements. Retour à la chambre basse où elle sera adoptée définitivement, avec des changements certes, mais ce sera bel et bien celle de M. Macron.
De fait, la multiplication des amendements doit non pas entraîner une réaction colérique de l'exécutif, mais de la patience. Le temps qu'il faudra pour lire et rejeter ces amendements sera aussi le temps pour l'opinion de s'habituer à ce qu'elle réprouve et qu'elle commencera à accepter. En revanche, le recours au 49/3 sera, une fois de plus, considéré comme un acte d'autorité insupportable au terme d'un débat explosif qui, comme les précédents, a failli mettre la France à genoux. M. Mélenchon regrettera, dans toute cette histoire, de ne pas trouver l'arme capable d'occire la réforme. Et il se préparera sans doute pour le prochain affrontement avec le gouvernement actuel, qui sera, lui, électoral. Ainsi va la vie politique en France où, pour exister, les élus de l'opposition se débattent contre un système constitutionnel qu'ils adorent quand ils sont au pouvoir (souvenez-vous de François Mitterrand) et qu'ils brûlent quand ils n'y sont pas.
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