TOUJOURS critiqués, jamais supprimés. Au contraire. Depuis la création du Goncourt en 1903, la France n’a cessé de multiplier les récompenses littéraires, jusqu’à distinguer désormais plus de 2 000 auteurs chaque année. Paradoxalement, nombre de prix ont été créés en réaction à ceux déjà existants et notamment à l’aîné tout-puissant : le Femina dès 1904, le Renaudot en 1926, et, en 1989, le prix Décembre. Et tout aussi paradoxalement (mais on connaît les enjeux financiers), un auteur écarté par l’un est porté aux nues par l’autre, et inversement.
C’est donc l’année Michel Houellebecq, qui, dès le premier tour et par sept voix contre deux, a obtenu le prix Goncourt pour « la Carte et le Territoire » (Flammarion). Âgé officiellement de 54 ans, de 52 ans selon lui, auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont plusieurs recueils de poèmes (il a reçu le prix de Flore en 1996 pour « le Sens du combat »), il s’est fait connaître du public en 1994 avec son premier roman « Extension du domaine de la lutte » et il est devenu célèbre (grâce en partie à une polémique médiatique bien orchestrée) en 1998 avec « les Particules élémentaires », pour lequel il a failli avoir le Goncourt. L’Académie lui a préféré Paule Constant (pour un roman que Houellebecq a jugé « complètement nul »), ce qui a permis aux jurés du prix Novembre, l’actuel prix Décembre, de le récupérer ! « Goncourable » à nouveau en 2005 – entre-temps, en 2001, est paru « Plateforme » – avec « la Possibilité d’une île », il a encore été évincé, de justesse (au profit de François Weyergans), mais il a reçu le prix Interallié.
Finalement couronné par le Goncourt pour un roman jugé moins subversif, bien qu’il continue de scruter la déliquescence de notre
société, Michel Houellebecq, qui auparavant décriait le système des prix, « tellement opaque qu’il vaut mieux ne rien en attendre », s’est déclaré « profondément heureux », tout en restant fidèle à son image de provocateur lucide en ajoutant : « Il y a des gens qui ne sont au courant de la littérature contemporaine que grâce au Goncourt et la littérature n’est pas au centre des préoccupations des Français, donc c’est intéressant. »
Virginie Despentes aussi.
Recalée au profit de Michel Houellebecq, Virginie Despentes a obtenu avec le Renaudot – qu’elle a emporté sur Simonetta Greggio par quatre voix contre trois au terme d’une âpre lutte qui a nécessité onze tours de scrutin ! – plus qu’un prix de consolation. Écartée de la sélection puis revenue une semaine avant la proclamation des résultats, elle a finalement imposé « Apocalypse Bébé » (Grasset) sans rien abandonner de ses mots et de ses images jugées jusqu’à présent trop provocateurs.
Âgée de 41 ans, cette autodidacte a exercé plein de petits boulots pour vivre jusqu’à la parution de « Baise-moi », en 1993, un roman qui a suscité la polémique, comme le film éponyme qu’elle en a tiré en 2000. Elle adapte actuellement son livre « Bye Bye Blondie », avec Emmanuelle Béart et Béatrice Dalle. Ont suivi quatre autres romans – dont « les Jolies Choses », prix de Flore en 1998 –, des nouvelles, un essai à valeur autobiographie en 2006, « King-Kong Théorie », sans oublier les paroles de chansons.
Écrivain « trash » pour les uns, « underground » pour les autres, Virginie Despentes continue de dénoncer dans « Apocalypse Bébé », sous couvert d’une intrigue policière, l’état de notre société. « C’est une série de portraits de gens qui n’ont pas des problèmes moraux, mais plus des problèmes d’impuissance, pas au sens sexuel, mais l’impuissance à faire des choses », explique-t-elle.
Les choix des lycéens.
Les jeunes ne comptent pas pour du beurre et ils l’ont encore montré en élisant Mathias Énard pour « Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants » (Actes Sud) pour le Goncourt des lycéens et Agnès Desarthe et son « Dans la nuit brune » (L’Olivier) pour le Renaudot des lycéens.
C’est d’abord la beauté du style qui a séduit le jeune public dans le récit de Mathias Énard (prix Décembre et prix du Livre Inter 2009 pour « Zone »), qui imagine Michel-Ange venu à Constantinople à l’invitation du sultan Bajazet pour y concevoir un pont sur la Corne d’Or. Un roman historique qui a le don de nous faire voyager.
La tonalité de « Dans la nuit brune » est toute autre, un petit livre à mi-chemin entre le conte et le policier, dans lequel Agnès Desarthe (auteur de nombreux romans pour enfants et prix du Livre Inter 1996 pour « Un secret sans importance ») montre un homme bouleversé par le chagrin de sa fille et qui le conduit à s’interroger sur son propre passé, son histoire, plonger dans « la nuit brune du XXe siècle » et l’horreur de la Seconde Guerre mondiale.
Un anti-Goncourt philosophe.
Quant au prix Décembre, l’anti-Goncourt, il est allé à un philosophe, Frédéric Schiffter, qui l’a emporté au quatrième tour par sept voix contre cinq à Olivia Rosenthal. Il est récompensé, à 54 ans, pour son onzième ouvrage, « Philosophie sentimentale » (Flammarion, « le Quotidien » du 19 octobre).
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