« QUOI DE NEUF ? » : cette question, Paul Janssen (1926-2003) - affectueusement appelé « Dr Paul » par ses collaborateurs et jusque par l’éminent Sir James Black - la posait dès qu’il rencontrait tel ou tel des chercheurs de son laboratoire. Et il les rencontrait très souvent puisqu’il leur rendait visite chaque jour ou presque. Du neuf, il en voulait ! Le statisticien Paul Lewi (1938-2012), l’un de ses proches, se plaisait à raconter que, d’une pièce à l’autre, les chercheurs se prévenaient mutuellement de l’arrivée du « Dr Paul » en tapant sur les tuyauteries avec des cuillères de façon à ce que chacun ait le temps d’imaginer quelque chose de neuf à lui présenter. L’homme, sa vie durant, fut animé par cette passion dévorante pour la nouveauté qu’il affirma dès que son père, lui-même directeur d’un laboratoire pharmaceutique, l’eût aidé à créer sa propre entreprise à Beerse, près d’Anvers, en 1953. À 27 ans, Paul Janssen s’intéressait alors aux antalgiques centraux, un domaine en plein essor depuis la découverte de la péthidine en 1930 et de la méthadone peu avant la seconde guerre mondiale. Il conçut dès 1956 le dextromoramide, un dérivé de la méthadone qui connut rapidement un développement mondial, trois ans à peine après l’ouverture du laboratoire. Puis, logiquement, Janssen s’intéressa aussi aux dérivés de la péthidine.
Di-halogéné.
De nombreux analogues de la péthidine furent dès lors synthétisés et passés au crible : l’un d’eux fut promis à un bel avenir sous le nom de phénopéridine. C’est en voulant renforcer sa puissance antalgique que les chimistes du laboratoire substituèrent son radical propiophénone par un radical butyrophénone puis modifièrent d’innombrables façons les substituants du cycle benzénique. Bert Hermans synthétisa ainsi, le 11 février 1958, un dérivé codé R-1625, un antalgique peu actif qui, curieusement, se montra en revanche doté de puissantes propriétés neuroleptiques : il se révéla même beaucoup plus puissant sur modèle animal que la chlorpromazine (Largactil), une phénothiazine commercialisée six ans auparavant dans le traitement des psychoses et qui constituait la référence dans ce domaine encore peu exploré. Ce neuroleptique original fut appelé « halopéridol » car sa molécule comprenait deux atomes halogénés : un chlore et un fluor. Paul Janssen comprit immédiatement le potentiel considérable de ce produit atypique pour la psychopharmacologie - une discipline encore balbutiante -.
Suivant les tests sur les rats et les chiens, le développement clinique du médicament fut conduit par des psychiatres de l’université de Liège, sous l’impulsion des professeurs Paul Divry (1889-1967) et Jean Bobon (1912-1990). Il prouva rapidement toute l’efficacité de l’halopéridol dans le traitement des « agitations », et une première publication dévoila ce neuroleptique à la communauté des psychiatres le 28 octobre 1958. Les psychiatres français de l’hôpital Sainte-Anne le testèrent avec succès et confirmèrent sa remarquable puissance dans le traitement des hallucinations et des épisodes psychotiques productifs. Vedette d’un symposium international organisé à Beerse en septembre 1959, l’halopéridol fut commercialisé sous le nom d’Haldol dès octobre 1959 : il inaugura la vaste famille des butyrophénones. Toujours largement prescrit, demeurant depuis plus de 50 ans un incontournable de la psychiatrie, il est inscrit sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS.
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