TOUS les prix des médicaments remboursables pourraient bien être revus et corrigés dès le début de l’année prochaine. À l’origine de cette valse générale des vignettes, une réforme de la marge des grossistes-répartiteurs. À partir de janvier 2012, celle-ci va être en effet complètement bouleversée. Actuellement fondée sur le modèle d’une marge dégressive lissée à quatre taux, elle va devenir linéaire, avec un taux fixé à 6,68 % du prix fabricant hors taxes (PFHT), pour les produits dont le montant est fixé entre 3 et 130 euros. En dessous de 3 euros, la rémunération sera forfaitairement de 30 centimes et au-delà de 130 euros, elle s’élèvera à 30 euros. Un arrêté doit être publié d’ici à la fin de l’année pour officialiser cette réforme. En pratique, « cela va augmenter le prix des produits aujourd’hui à faible coût et peu pris en charge par l’assurance-maladie, et diminuer celui des médicaments chers et bien remboursés », résume Philippe Besset, président de la commission Économie de l’officine de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Par exemple, la marge du grossiste sur le paracétamol, qui est aujourd’hui de 8 centimes d’euros, va passer à 30 centimes d’euros, soit une augmentation du prix public de 22 centimes d’euros.
« Globalement, la mesure sera bénéfique pour l’assurance-maladie qui va ainsi réaliser 30 millions d’euros d’économies environ », estime Philippe Besset. En revanche, elle aura un impact négatif sur les complémentaires et/ou le porte feuille des patients.
Des effets aléatoires.
Pour l’officine, c’est un peu la loterie. Ainsi, pour les achats directs de génériques, opération au cours de laquelle les pharmaciens récupéraient systématiquement la marge grossiste, la baisse de marge se traduira par une perte sèche de 25 millions d’euros. Une somme qui pourrait même doubler l’an prochain, avec l’arrivée sur le marché de génériques à fort potentiel tels ceux du Tahor, s’inquiète Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Claude Castells, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) se veut, lui, rassurant. « Les pharmaciens ne seront pas impactés négativement par ce changement de marge, affirme-t-il. Ils subiront effectivement une perte de marge de 25 millions d’euros sur les produits aux prix compris entre 3 et 130 euros, mais ils gagneront 55 millions sur les produits aux coûts supérieurs ou inférieurs à ces montants, sur lesquels ils peuvent récupérer la marge grossiste en achetant en direct. Leur solde sera neutre, voire positif », assure-t-il. Gilles Bonnefond en doute. « Je trouve bien audacieux d’affirmer cela, explique-t-il, car tout dépendra des négociations entre les officinaux et les laboratoires. »
« Qui peut croire que les fabricants feront cadeau de cette nouvelle marge grossiste aux pharmaciens ? », ajoute-t-il. Le président de l’USPO estime même que cela risque de rendre les achats en direct moins intéressants. « Sur le plan macroéconomique, cela devrait être neutre, en théorie, pour la pharmacie », estime pour sa part Philippe Besset. Mais, poursuit-il, « il y aura des officinaux gagnants et des perdants, car tous n’auront pas le même pouvoir de négociations face aux laboratoires ».
Attention aux remises.
De leur côté, les répartiteurs, ne semblent pas non plus complètement satisfaits de cette réforme. « Ce système est plus simple et tient compte des coûts fixes, à travers une marge minimum », reconnaît Emmanuel Déchin, secrétaire général de la CSRP. « Avec l’ancienne marge, lorsque nous recevions un produit coûtant plus de 2 000 euros nous perdions de l’argent. La nouvelle marge permettra de tenir compte des coûts de distribution élevés sur les produits chers. Le nouveau système correspond davantage au marché actuel. Sur le principe, c’est bien ce que nous avions demandé », souligne-t-il. Cependant, « après contribution ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), on obtient un taux de marge de 4,36 %, soit l’un des plus faibles d’Europe », remarque Emmanuel Déchin. De plus, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 prévoit 25 millions d’euros d’économies sur la marge des grossistes-répartiteurs. « Cela correspond pour nous à une perte de 40 millions d’euros », s’alarme Claude Castells, président de la CSRP. « Cela gomme tous les effets positifs de la réforme », estime-t-il. Certes, soulignent les syndicats d’officinaux, mais ces 40 millions d’euros sont justement considérés comme la contribution des grossistes répartiteurs au déficit de l’assurance-maladie. Donc pas question pour eux que la répartition la répercute sur l’officine en faisant pression sur les remises accordées. « Ce serait scandaleux », s’indigne Gilles Bonnefond qui exhorte ses confrères « à ne pas céder ».
Quelle attitude adopteront les répartiteurs ? Le président de la CSRP refuse de se prononcer sur la question. « La remise accordée aux pharmaciens a toujours été une variable d’ajustement », reconnaît-il toutefois. « Chaque entreprise jugera si elle peut assurer les mêmes remises qu’auparavant aux pharmaciens », indique seulement Claude Castells, tout en soulignant que « les répartiteurs sont là pour assurer une mission de service public et non pour distribuer des remises. » Une réponse qui ne devrait pas satisfaire la FSPF et l’USPO, qui demandent également aux grossistes de cesser de faire payer les frais de livraison. Certains « font du chantage et menacent de ne pas livrer en cas de non-paiement de frais de livraison, alors qu’ils ont une obligation de service public », s’emporte ainsi Gilles Bonnefond. L’arrêté n’est pas encore signé. Mais déjà, un bras de fer s’est engagé.
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