Fondée peu après l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par l’Empire allemand, en 1871, l’association pharmaceutique d’Alsace-Lorraine (PVEL) réunissait les pharmaciens et les étudiants des trois départements annexés, tout en restant très francophile. Pour trouver plus facilement des stagiaires, des apprentis et des aides pharmaciens, ils créèrent une revue mensuelle qui se voulait aussi satirique, culturelle et volontiers mordante : ils lui donnèrent pour cette raison le nom d’« H2S » ou « Hazweiess », la formule de l’hydrogène sulfuré à la forte odeur d’œuf pourri, et leur publication, disponible aussi dans les bibliothèques publiques, dépassa très vite le seul cercle des pharmaciens.
Humour potard
Ceux-ci, en effet, enrichissaient leur revue de poèmes et de nouvelles, mais aussi et surtout de gravures, de lithographies et de caricatures : plusieurs numéros dits « artistiques » ne comportaient d’ailleurs que des planches d’illustrations. Les pharmaciens se flattaient d’ouvrir largement leur revue aux jeunes artistes et certains, devenus par la suite très célèbres comme le fameux dessinateur Hansi, y firent même leurs débuts. Comme les pharmaciens disposaient d’une revue universitaire régionale où paraissaient des articles plus scientifiques, « l’Hazweiess » privilégiait les récits et anecdotes tirées de la vie et de la pratique quotidiennes, rédigés dans le plus pur humour potard. On y trouvait aussi des lettres et des débats entre pharmaciens, parfois assez virulents à l’encontre des autorités allemandes. Bien que relativement tolérantes, celles-ci n’appréciaient pas toujours cette liberté de ton et faisaient surveiller la revue et ses rédacteurs… ce qui les amusait d’ailleurs beaucoup.
Les sujets vraiment professionnels étaient rarement abordés, hormis les querelles incessantes entre les pharmaciens et les droguistes, mais des portraits ou des hommages à des confrères disparus évoquent leur mémoire comme la diversité de leurs destins. Décédés tous deux en janvier 1906, le pharmacien Martin Meyer travailla par exemple jusqu’au bout dans son officine, malgré sa maladie épuisante ; le pharmacien Camille Binder, lui, prit sa retraite à 42 ans pour « jouir de la vie », et devint par la suite un brillant conservateur de musée.
Bals et banquets
À côté de la revue, la grande affaire du PVEL était l’organisation des bals et banquets annuels. Les étudiants en pharmacie étaient passés tellement maîtres dans cette activité qu’ils furent bientôt chargés de la préparation des agapes de l’ensemble des étudiants de l’Université, toutes disciplines confondues. Jusque vers 1905, l’« Hazweiess » était domiciliée dans les officines des pharmaciens qui en assurèrent successivement la direction, avant de prendre pour siège la principale taverne des étudiants, en face de leur faculté, alors appelée Institut pharmaceutique. L’« Hazweiess » paraissait, dès l’origine, en trois langues, le français, l’allemand et l’alsacien. Comme toutes les publications francophiles, elle fut interdite dès le mois d’août 1914. Elle reparut en 1920, savourant le retour de l’Alsace-Lorraine à la France, en décrivant dans le détail les fêtes et banquets organisés pour célébrer les retrouvailles entre les pharmaciens de la région et leurs confrères de « vieille France ». Toutefois, cette nouvelle série ne subsista que le temps de quelques numéros, puis disparut définitivement après une autre tentative de renaissance, de 1938 à 1939.
Si l’« Hazweiess » a marqué la vie culturelle et littéraire de son époque, les fastes de l’ancienne association PVEL sont restés dans la mémoire de la communauté pharmaceutique alsacienne. Il y a quelques années, l’amicale des étudiants en pharmacie a d’ailleurs pris officiellement, le nom d’Hazweiess, portant haut et fort les couleurs chatoyantes de la tradition régionale.
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