Loin d’être de la science-fiction, ces scénarios s’élaborent aussi bien en Chine qu’aux États-Unis : lors du forum des pharmaciens de Berlin, le Dr Markus Müschenich, fondateur de la société de e-santé Flyinghealth a présenté plusieurs applications de dépistage et de traitements, notamment en diabétologie et en ophtalmologie, qui pourraient devenir « prescriptrices » dans les années à venir, si elles y sont autorisées. L’une d’entre elles, « Babylon Health » a même obtenu des résultats meilleurs que ceux de vrais médecins en réussissant des examens exigés pour exercer la médecine.
Plus impressionnant encore, certaines caméras de surveillance, combinées à des logiciels médicaux, peuvent désormais détecter, dans un stade de football, les spectateurs souffrant de certaines maladies : iront-elles un jour jusqu’à leur intimer l’ordre de se soigner ? Amazon vient même de breveter un dispositif d’envoi « automatique » de médicaments à domicile… pour les patients « dépistés » à leur insu par ce type de caméras.
Que ce soient les cuvettes de W.-C. qui prennent des tensions ou les caddies de supermarché qui enregistrent les paramètres biologiques des acheteurs qui les poussent, « de nombreux objets connectés remplacent déjà les professionnels », poursuit le Dr Müschenich. Il rappelle de plus que la « numérisation totale de la santé » entraînera l’effondrement des prix de nombreuses prestations médicales, y compris bien sûr la télémédecine, remplacée par des chatbots et des applications.
Dans cet environnement sanitaire totalement repensé, quelle sera la mission des officinaux de demain ? « Demandons-nous d’abord si cet univers digital est une fatalité », estime l’éthicien Peter Dabrock : selon lui, de même qu’il existe des lois bioéthiques en médecine, il est urgent de fixer des limites à la « corrélation analytique » des données collectées, et de décider si, par exemple, proposer un diagnostic, voire un traitement, en se basant sur nos « like » sur Facebook est acceptable ou non. Pour lui, le pharmacien peut devenir l’expert qui sait naviguer, avec le patient, à travers les évolutions permanentes de la santé numérique, dans le respect des dimensions humaines.
Toutefois, les craintes liées à l’avenir de la e-santé ne doivent pas en faire oublier les avantages : « la e-santé n’est pas un jouet, mais un moyen d’améliorer la qualité des traitements et de sauver des vies », rappelle un représentant du ministère de la Santé. Un objectif de qualité et d’efficacité auquel les pharmaciens contribuent eux aussi à travers leurs outils et leurs compétences.
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