DE PLUS EN PLUS d’officines sont dans le rouge. Certes, comparé à 2010, le nombre de défaillances est en légère baisse sur les six premiers mois de l’année (« le Quotidien » du 8 septembre). La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a ainsi recensé 58 entrées en procédure entre janvier et juin 2011, contre 140 l’année précédente. Mais avant 2006 et la succession de plans drastiques sur le médicament, le nombre de ces procédures ne dépassait pas la quarantaine par an.
Que l’on se rassure, face à des difficultés financières plus ou moins passagères, des solutions existent pour sortir la tête de l’eau. À condition d’opter pour celle qui correspond le mieux à sa situation. Plusieurs types de solutions peuvent se présenter. Il y a d’abord les procédures amiables qui consistent en la désignation d’un mandataire ad hoc, également appelées procédures de conciliation. Il existe également des procédures dites collectives, tels le redressement judiciaire, la liquidation judiciaire, ou encore la procédure de sauvegarde.
Une procédure contraignante et onéreuse.
Apparue en 2005, la sauvegarde est souvent présentée comme la solution miracle en cas de difficultés financières. Or, dans les faits, ce n’est pas toujours le cas, car elle peut engendrer un certain nombre de dangers, au-delà de ses avantages indéniables. « La procédure de sauvegarde n’est pas la panacée », affirme ainsi Me Marine Guénin, avocate au barreau de Rennes. Alors qu’elle séduit de plus en plus d’officinaux (38,01 % des procédures collectives en 2010), elle se présente comme une procédure contraignante et relativement onéreuse. La procédure de sauvegarde engendre en effet des frais liés à la nomination de divers intermédiaires qui demeurent à la charge de l’entreprise et donc du pharmacien. Un coût non négligeable que regrette cette officinale installée en banlieue parisienne : « Placée en procédure de sauvegarde depuis six ans, nous reversons chaque année l’équivalent de 1 % du chiffre d’affaires de l’officine, alors que nous avons besoin d’oxygène. »
De six à dix-huit mois d’observation.
« Contrairement au redressement judiciaire, la procédure de sauvegarde ne correspond pas à une situation de cessation des paiements », précise pourtant Me Gilles Labourdette, autre avocat habitué des procédures collectives. En clair, le débiteur doit être capable de faire face au passif avec son actif disponible. Il doit donc seulement justifier qu’il rencontre des difficultés et qu’il ne peut les surmonter.
En pratique, à l’issue de ce constat s’ouvre une période d’observation, théoriquement de six mois, renouvelable une fois et qui peut éventuellement s’étendre jusqu’à dix-huit mois, si le ministère public l’exige. Au cours de cette période d’observation, la viabilité de l’entreprise est appréciée et sa réorganisation éventuellement envisagée. L’objectif : maintenir l’emploi, mais aussi apurer le passif. Il appartient donc aux créanciers - dont les divers fournisseurs - de déclarer au mandataire judiciaire toutes les créances antérieures à ce jugement. Quant aux débiteurs, ils ne doivent contester qu’à bon escient leurs créances, au risque de devoir supporter des frais supplémentaires.
Des fournisseurs peu conciliants.
« Une fois déclarées, celles-ci sont gelées pendant au moins six mois, voire durant un an et demi ; et pour la majorité des créances, les intérêts cessent de courir dès que le jugement est rendu », ajoute Me Guénin. En outre, dès l’ouverture d’une période d’observation, un nouveau compte est souvent ouvert par le banquier afin de distinguer toutes nouvelles créances. Or cette ouverture de compte se révèle souvent fastidieuse et peut parfois même nécessiter un délai d’un mois. « Les banquiers sont très peu conciliants et se montrent surtout prêts à tout pour récupérer leur dû », déclare avec colère cet officinal marseillais qui regrette que « les banques se prétendant spécialistes des professions libérales voient surtout la pharmacie comme une vache à lait ».
Quant aux fournisseurs, le plus souvent, ils aménagent également les conditions de livraison. Les remises sont ainsi généralement supprimées et le règlement au comptant des marchandises est exigé. Conséquence : il est particulièrement difficile pour les pharmaciens d’être livrés normalement. « À l’exception des laboratoires de génériques, qui ont besoin de nous, tous nos fournisseurs nous adressent des factures pro forma et exigent d’être réglés sous dix jours. » Un comble, alors que la procédure est censée donner de l’oxygène à l’entreprise. Sans oublier l’instauration d’une clause de réserve de propriété qui leur offre la possibilité, en cas de non-paiement, de récupérer leurs biens ou leur équivalent en valeur. Cependant, tous ne réagissent pas de la même manière. « Les plus intransigeants sont les laboratoires OTC et de dermocosmétique, qui ne cherchent aucunement à comprendre et, le plus souvent, tergiversent avant de livrer lorsqu’ils ne réclament pas un chèque de caution », témoigne, amère, cette officinale de la région Aquitaine.
Dix années de contrôle.
Au final, les pharmaciens sont donc confrontés à de réelles difficultés pour exercer aisément leur activité. Sans compter que l’ouverture de cette procédure est souvent synonyme de perte de liberté pour l’officinal, obligé de négocier avec les différents intermédiaires (mandataire judiciaire, commissaire à l’exécution du plan…). « S’il est rassurant de passer régulièrement devant un juriste spécialiste de l’entreprise pour faire signer ses chèques, cette situation est excessivement contraignante », déplore ainsi cette titulaire francilienne. Une fois la procédure de sauvegarde entamée, l’entreprise doit donc s’apprêter à passer les dix prochaines années sous le contrôle du commissaire à l’exécution du plan. D’où l’intérêt pour les pharmaciens confrontés à de réelles difficultés de proposer directement à leurs créanciers un aménagement raisonnable de leurs dettes. « À l’issue de la période d’observation, un plan de sauvegarde peut être mis en place avec un apurement de la dette, sans intérêt, et étalé sur dix ans au maximum », précise encore Me Labourdette. Néanmoins, pendant cette période d’observation, il peut arriver que l’état de cessation des paiements du pharmacien soit constaté. La procédure de sauvegarde basculera alors en procédure de redressement judiciaire, voire en liquidation judiciaire.
Quant au jugement de redressement judiciaire, il débouche sur l’ouverture d’une période d’observation à l’issue de laquelle soit un plan de continuation sera prononcé, soit l’entreprise sera cédée, soit elle sera liquidée. À charge alors pour le pharmacien d’apurer le passif s’il est caution personnelle, comme c’est souvent le cas lorsqu’il assume la gérance de la société.
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