« LA CROIX DE PHARMACIE est la seule publicité que puissent faire les titulaires d’officine ». Cette réflexion de Jean-François Dreher, directeur d’enseigne de Winlight situe bien l’enjeu que représentent ces enseignes si caractéristiques. Elles sont le symbole et la vitrine de ce métier, d’où l’intérêt aigu que les pharmaciens leur portent, quitte à dépenser trop selon d’autres corps de métiers, comme les éditeurs de logiciels, parfois stupéfaits des sommes mises en jeu pour une croix de pharmacie. Encore qu’aujourd’hui, du fait de l’affaiblissement progressif des marges, les titulaires y regardent à deux fois, à la grande crainte des industriels. Tous nos interlocuteurs ont insisté sur ce point : « faîtes attention à la solidité financière de vos fournisseurs » déclarent-ils à l’unisson aux pharmaciens. Ce marché est en effet « perturbé » par des intégrateurs de croix fabriquées en Chine à des prix très compétitifs, ce qui peut en énerver plus d’un. Mais la menace semble réelle, un pharmacien pris au hasard dans le XVIIIème arrondissement parisien nous a ainsi révélé que deux ans à peine après avoir changé sa croix, il a découvert que son fournisseur, qui avait pourtant pignon sur rue, avait mis la clé sous la porte.
« Être toujours vus ».
Cette précaution prise, les pharmaciens peuvent s’intéresser de près à ce qui leur tient à cœur, notamment la luminosité de la croix, qualité qui leur permet d’« être toujours vus » selon Jean-François Dreher. Or depuis quelques années, une véritable révolution technologique de l’éclairage leur permet de remplacer les vieux néons, limités en capacité lumineuse et en terme de communication (impossibilité d’afficher des messages), de surcroît gros consommateurs d’énergie, par les diodes électroluminescentes ou led (pour light-emitting diodes), bien plus lumineuses et pratiques. Et infiniment moins consommatrices, « avec une facture d’électricité susceptible d’être divisée par dix » selon Dany Heluin, gérant d’Avodeco. Ces diodes ont l’avantage d’avoir des ouvertures d’angle différentes permettant des lectures différentes selon la position de la croix dans un environnement donné. « Tout dépend de l’implantation de la pharmacie, selon qu’elle est dans une rue étroite, une galerie marchande ou un grand carrefour » explique Alban Chevalier, responsable communication de Charvet Industries. Ou encore de l’environnement concurrentiel. En milieu rural, ce dernier est moindre, et la surenchère n’est pas nécessaire au niveau luminosité affirment en substance les fournisseurs.
Diodes à choix multiples.
Ceux-ci mettent en avant différents types de diodes selon les préoccupations qui sont les leurs. Ainsi Ideal Pharma préfère-t-il mettre en valeur l’usage de diodes minérales, à quartz en l’occurrence, qui donnent des couleurs plus proches du vert, du bleu ou du blanc, par opposition aux diodes chimiques, qui tirent plus vers le rouge et l’ambre selon Dominique Meyrat, responsable du développement de la société. Les premières sont plus chères que les secondes, mais plus proches des tons utilisés pour les croix, et la signalétique des façades qui est dans certains cas, traitée avec. D’autres, comme Charvet Industries, font valoir la façon dont les diodes sont montées, et le fabricant a choisi les diodes radiales afin de disposer « d’une très grande luminosité et d’un très grand angle de vue » selon Alban Chevalier. D’autres encore, comme 3A Enseignes, privilégient les effets 3D et la possibilité d’insérer des images animées grâce à la capacité de passer 80 images par seconde. Ou de varier l’intensité de la lumière, maximale en plein soleil, mais nettement plus basse durant la nuit. Et enfin, les différents fournisseurs évoquent la façon dont sont assemblées les diodes. Beaucoup le sont par le biais de la résine, qui leur assure une bonne étanchéité. Beaucoup mais pas tous : « nous privilégions un vernis tropicalisé qui peut comme son nom l’indique subir des climats tropicaux rudes pour l’étanchéité des led » explique Richard Gosselin, le gérant de 3A Enseignes, « avec la possibilité de changer les diodes une par une quand cela est nécessaire, ce qui n’est pas possible avec la résine. » Les diodes collées sur plaque avec de la résine obligent de changer un module entier quand une diode présente des faiblesses, explique-t-il en substance.
Des messages spécifiques.
Cette révolution de l’éclairage apporte aussi des transformations profondes sur la communication de la pharmacie, sous réserve bien sûr de ce qui est autorisé par les diverses réglementations communales et liées à la protection des patrimoines historiques. Les voilà dans la possibilité non seulement de proposer la date, l’heure et la température, données souvent préprogrammées dans de nombreuses croix, mais aussi de diffuser des messages spécifiques sur leurs spécialités par exemple.
Ce message est fondamental pour Jean-François Dreyer, car il participe de la signature visuelle de l’officine, et donc de la mémoire visuelle de l’emplacement qu’en retiendra le client. « Même un faux message, comme par exemple une température jugée excessive ou une heure inexacte, est intéressant car cela représente un sujet de discussion potentiel avec le client. » Et aux informations relatives aux spécialités, le directeur général de Winlight préfère des informations plus générales : « pourquoi pas les résultats de football ? » Une conception de la communication qu’autorisent désormais les croix à diodes. Il faut pour cela bien maîtriser le logiciel d’animation, en général fourni par le fabricant, qui se doit de le rendre le plus simple possible d’utilisation. « Notre logiciel permet de créer un scénario, le pharmacien est aidé en cela par des pictogrammes et peut voir défiler le message avec l’effet d’apparition souhaité avant de le valider » commente Dominique Meyrat.
Croix « thermostatées ».
Mais plus que le logiciel, la vraie complexité est peut-être située dans le caisson de la croix elle-même et son système de ventilation. Le caisson d’abord ne présente pas à proprement parler de complexité. Beaucoup de fabricants que nous avons contactés affirment utiliser de l’aluminium, pour l’essentiel, dans sa fabrication ; un matériau noble qui ne bouge pas au gré des changements climatiques, contrairement au plexiglas qui se déforme au fil du temps, mais aussi plus souple que l’acier, utilisé plus volontiers pour fixer la potence (comme le fait Charvet Industries). L’aluminium permet de travailler au mieux le design des croix, avancent les fabricants. Seul hic : il est plus cher que les autres matériaux, acier et plexiglas. Plus que le caisson, le système de ventilation à l’intérieur est le défi technologique auquel sont confrontés les industriels. L’électronique est en effet fragile et subissant les assauts du climat, doit absolument être protégée de l’humidité et de la chaleur. Ideal Pharma évoque ses croix « thermostatées », avec un système de ventilation sur platine de diode, l’air chaud expulsé évite la dilatation des circuits imprimés. Certains fabricants préfèrent garder pour eux les technologies utilisées, tant cela représente un élément fortement concurrentiel des croix de pharmacies. Mais c’est sans doute un sujet dont les pharmaciens doivent s’emparer.
Les tarifs des croix vont de 2 000, 3 000 euros jusqu’à 10 000 euros. Les premiers prix sont proposés par des intégrateurs. Pour Jean-François Dreher, des croix de qualité se négocient à des prix partant de 7 500 euros pour une croix d’envergure moyenne. Mais il faut y ajouter les tarifs de la pose, qui varient au cas par cas et peuvent être importants (transports, fournitures, la main-d’œuvre de deux personnes…). Quant aux garanties, la plupart proposent deux ans de garantie et des extensions de garantie aux tarifs très variables.
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