« Nous sommes deux pharmacies victimes de l’événement, et mon confrère est logé à la même enseigne. Sans les tours Gauguin, notre économie est en péril. » Patrick Giraudeau, 55 ans, dresse un bilan très négatif de l’implosion des immeubles voisins de son officine, dans lesquels vivaient plus de deux mille personnes, dont bon nombre de ses clients. Installé depuis 1981 dans ce quartier très populaire du nord de Limoges, ce diplômé de la faculté de Limoges a vécu au pied des barres HLM les grandes heures du quartier de La Bastide, construit en 1958, observant attentivement son évolution.
« Contrairement à l’autre pharmacie implantée dans un mini-centre commercial au cœur de la cité, je suis pour ma part à la frontière entre celle-ci et le quartier résidentiel de la Brégère/Grand Treuil, explique t-il. Ce qui m’apporte d’un côté une clientèle fidèle, âgée, pérenne, et, de l’autre, des gens plus jeunes, plus instables, avec un turn over plus important. Jusque-là, je trouvais mon équilibre économique et professionnel entre les deux, répondant aux besoins les plus variés. Mères de familles, retraités, actifs jeunes, cas sociaux, nous étions avec mes employés sur tous les fronts et plutôt bien intégrés entre ces populations multiples. Mais la disparition des tours change la donne. »
Souhaitée par la municipalité qui ambitionne une rénovation totale du quartier, l’opération a eu des effets collatéraux importants pour Patrick Giraudeau, faisant chuter ses revenus dès le début de l’évacuation, en 2008. Le pharmacien est de fait condamné à rester sur place, à quelques mètres de la montagne de débris laissés par les immeubles détruits le 28 novembre dernier. La noria des pelleteuses et camions – 37 000 tonnes à évacuer – la poussière, le décor aux allures d’après guerre, tout semble contribuer au désastre et à la fuite des derniers clients. « Je me sens isolé, analyse t-il. Nous faisons face grâce à nos patients les plus fidèles. Mais un bon millier de clients disparus. Et comme nul ne sait pour l’instant ce que sera l’avenir du quartier, on ne peut pas prédire du retour d’une population nouvelle dans de nouveaux immeubles. Dans cette optique, je ne vois provisoirement aucune porte de sortie. » Évacuer les débris demandera une bonne année, alors que les projets d’aménagements du futur La Bastide ne sont pas encore définis : espace vert, habitations plus humaines, nouveaux locataires, reconstruction totale, centre commercial, tout est possible en l’état. Pour Patrick Giraudeau, le combat pour survivre commence, avec néanmoins des atouts : parking facile, concurrence non agressive, clientèle fidèle, et l’espérance peut-être d’une nouvelle vie…
Espoir.
Sylvia Baraige, titulaire depuis cinq ans de l’autre officine du quartier, se veut plus optimiste que son confrère. Installée dans le centre commercial de la cité, elle a constaté une baisse de 10 % de ses revenus durant l’année 2009, lors du départ des résidents, mais elle estime « que le plus dur est passé ». Incertaine quant au devenir du site, elle n’en espère pas moins une certaine continuité. « Bien sûr, nous avons vu partir de nombreux clients, reconnaît-elle. Nous avons subi une évasion commerciale de facto, qui s’ajoutait à la crise générale ambiante. Cependant, nous sommes toujours dans un lieu aux populations nombreuses et mélangées, répondant majoritairement à des prescriptions médicales, et si deux mille habitants ont déménagé, il reste les autres. C’est sur eux que nous construirons notre avenir, d’autant plus qu’il faut bien espérer voir l’espace laissé par les deux tours se remplir. Le terrain appartient à la municipalité qui n’a pas d’autre choix que de le réaménager, la bonne question étant de savoir ce que l’on y fera. Je suis finalement moins touchée que Patrick Giraudeau qui, lui, était vraiment au pied des barres et qui en subit en ce moment les désagréments liés à la démolition. Mais je veux croire que ce quartier est loin d’être mort, et qu’il a encore un bel avenir devant lui. »
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