ÇA FAIT plusieurs années maintenant que je ne fréquente les pharmacies d’officine que de l’autre côté du comptoir, après avoir passé la porte à ouverture automatique qui émet ou non une petite sonnerie. J’attends alors mon tour au milieu de présentoirs divers, draineurs, gélules qui préparent, activent et prolongent le bronzage, shampooings anti-poux et autres tourniquets garnis de brosses à dents, fils dentaires ou révélateurs de plaque. Quand mon tour arrive, je demande des bouchons auriculaires antibruit, ou la crème revitalisante intense au karité indispensable à mes cheveux, je paie et je m’en vais. Je ne sais plus du tout ce qui se passe derrière, en particulier, comment on passe les commandes, ou s’il y a encore beaucoup d’appels téléphoniques pour demander des produits « à l’oral ».
Là où je travaille, il n’y a pas plus simple. Les grosses quantités sont commandées directement par fax aux laboratoires fabricants, et, pour les petites quantités de médicaments peu demandés, c’est le grossiste, et par Internet.
Un matin de la semaine dernière, je me rendais en voiture à la clinique, et j’écoutais France Info à la radio. Et là, j’apprends soudain que si j’en ai un peu assez de Google et d’Internet, je n’ai qu’à refaire le 3615… Vous vous rappelez, le sésame du Minitel. Le Minitel, tout le monde le croit mort, mais, malgré le succès d’Internet, un million de ces petites boîtes marron toutes ringardes sont encore utilisées en France. Il reste tellement rentable que la société Les Pages Jaunes a renoncé à fermer son annuaire, le célèbre 3611, qui représente un quart du trafic.
Les services ludiques (météo, astrologie, minitel rose, eh oui) s’élèvent à 10 %, et les 40 % qui restent sont des usages professionnels comme les débitants de tabac ou les fleuristes d’une enseigne célèbre pour ses livraisons de bouquets. Ça m’a tellement étonnée, vu que je n’avais plus eu de Minitel sous les yeux depuis je ne savais même plus quand, que j’ai eu du mal à croire cette information, sur le moment. Et pourtant.
Un peu plus tard dans la même journée, j’étais en train de m’affairer à régler des détails avec la responsable qualité, à valider les commandes de dotations de service et les prescriptions nominatives, et à d’autres tâches quotidiennes et banales. Et c’est là qu’entre en coup de vent un agent technique débonnaire, qui demande « vous n’auriez pas un Minitel, par hasard ? ». La préparatrice lui répond non, en riant, car elle trouvait cette question vraiment incongrue, et notre visiteur repart sur le champ, sans nous dire pourquoi il avait besoin de cette boîte vintage, alors qu’il y a des ordinateurs connectés sur Internet un peu partout dans la clinique. Mais ce n’est pas tout.
Le lendemain, je travaillais ailleurs, et la climatisation, beaucoup trop forte ce jour-là, et impossible à régler, m’a poussée à rechercher un endroit accueillant et disponible. Justement, au niveau de la direction, quelqu’un était absent et son bureau était libre. Je m’y installe avec mon attirail, tout un tas de gros classeurs que je devais compulser. J’étais particulièrement satisfaite, parce qu’en plus d’une température agréable, je disposais d’un ordinateur, d’une photocopieuse, de surligneurs de toutes les couleurs, d’un téléphone, et, non… je ne rêvais pas… d’un Minitel !
En 24 heures, le Minitel avait refait son apparition dans ma vie ! Je me suis alors souvenue que, il y a longtemps, on s’en servait dans certaines pharmacies, pour passer les commandes. Et donc avec un peu de chance, on l’utilise peut-être encore, pourquoi pas ? Je me trompe ? La seule limite à sa survie, finalement, c’est son écran cathodique, qui va bien finir par flancher.
Et alors, adieu le Minitel.
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