VOUS NE SAVEZ pas ce qu’est un pistolier ? Pas de souci, il existe un moyen pour réparer cette ignorance : se rendre au Marché des fruits anciens d’Orpierre, qui se déroulera le samedi de la Toussaint (le 31 octobre).
L’un des habitants de ce charmant petit village médiéval des Hautes-Alpes, Paul Henquinez, renouvelle l’initiative pour la septième fois. Dès son lancement, le marché a connu un succès remarquable, dépassant tous les pronostics de fréquentation : 4 000 personnes se sont précipitées dès la première année pour reluquer, palper, goûter ces fruits anciens, « oubliés » dit-on, pour cause de non-rentabilité.
« Ces variétés ne sont plus cultivées parce qu’elles produisent très irrégulièrement et que les arboriculteurs ne peuvent pas se permettre d’avoir une ou même plusieurs années creuses. Et puis il s’agit de fruits qui généralement nécessitent un grand temps de maturation, entre la cueillette et la consommation. Or plus personne (parmi les consommateurs) n’a de cave pour stocker des caisses de fruits en attendant qu’ils soient consommables », explique Paul Henquinez, ancien ingénieur horticole qui s’est pris de passion pour ces fruits anciens. Et puis, ce marché de la Toussaint est aussi l’occasion de rendre hommage à la très grosse foire d’automne qui, jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, animait ce coin des Baronnies, permettant aux paysans des villages retirés de présenter leurs fruits, mais aussi leur bétail.
Orpierre, qui compte aujourd’hui 300 âmes en hébergeait
9 000 avant la révocation de l’édit de Nantes (1650-1700). Elle constituait alors une étape stratégique pour les commerçants, soldats, pèlerins qui se rendaient depuis l’Italie auprès des papes en Avignon. L’arboriculture fruitière était alors florissante. « Nous voulons faire revivre ce terroir, qui comporte des variétés qui depuis ont été inscrites au patrimoine génétique de France », résume l’enthousiaste Henquinez.
Des pommes, des poires...
Au marché seront exposés des pommes, des poires, des coings (avé l’accent provençal, ça donne « couingues »), des amandes, des noix... Tous ces fruits évoquent des saveurs bien connues, direz-vous. Certes, mais avez-vous déjà goûté aux poires de curé, qui se mangent en février-mars, aux « martin-sec », aux capelines, aux vertes longues, aux royales (qui se dégustent en d’excellentes tartes), aux sarteaux (ou campanelles) ? Les producteurs eux-mêmes viendront faire découvrir leurs fruits, sous l’œil expert du Conservatoire botanique national alpin, qui préserve les plantes en voie de disparition et gère les collections d’arbres fruitiers à pépins, 1 500 variétés de poiriers, pommiers et cognassiers. Les Croqueurs de pommes, eux, offriront la possibilité aux visiteurs, grâce à un drôle de logiciel, de reconnaître un fruit, qui aurait été recueilli par exemple dans un jardin... sans papiers d’identité. La journée sera courte (9 à 17 heures), vu le nombre d’ateliers proposés : pressage de fruits à l’ancienne (suivie par l’incontournable dégustation), distillation de liqueurs, atelier de greffage, démonstration de taille de régénération de vieux arbres fruitiers avec le concours de la chambre d’agriculture des Hautes-Alpes. Les champignons sauvages trouvent naturellement leur place au milieu de cette débauche naturelle, et puis des plants fruitiers seront à la vente, ainsi que toutes sortes de produits dérivés : jus, miel, confitures, tartes, huiles, vins etc. Pour la première fois, actualité oblige, un stand sera consacré au futur parc naturel régional des Baronnies, dont la charte est en cours de validation. Une copieuse soupe d’épeautre sera servie pour le déjeuner. Et la journée sera clôturée par la plantation d’un pommier de pointues de Trescléoux, avec vissage de plaque assortie.
Les pistoles ont leur confrérie.
Revenons à nos pistoles, car oui, les pistoliers sont ces gens, qui, avec amour et une bonne dose d’huile de coude, fabriquent... les fameuses pistoles. Les pistoles sont au départ des perdigones, petites prunes bleues qui mûrissent entre le 20 août et le 5 septembre. On ne la gaule pas, la pistole, Monsieur, non, on étend un bourras (une bâche) sur le sol et on secoue l’arbre pour faire tomber la belle bleue. Rassemblées dans un panier à salade en fer, elles sont plongées dans l’eau chaude, trois ou quatre fois, puis dans l’eau froide. C’est ce contraste thermique qui permet de la déshabiller de sa peau plus facilement. Les perdigones sèchent ensuite sur des canisses au soleil pendant deux à trois jours et là, vient l’étape la plus périlleuse : le dénoyautage. Puis les perdigones sont de nouveau mises à sécher. Une à une, elles reçoivent un coup de maillet, pour s’écraser alors en un joli disque doré, rappelant l’écu espagnol, qu’on appelait pistole.
Jacqueline Shuler est tombée dans la marmite à pistoles il y a une dizaine d’années. Avec sa bande de Trescléoux, elle a même fondé une confrérie, la confrérie des pistoliers. Son mari a été nommé « grand maître ». Les ongles encore noircis par le laborieux dénoyautage de ses chères petites bêtes brunes, la pistolière en parle avec des étoiles dans les yeux. « Ma voisine possède des documents prouvant l’exportation des pistoles en Chine et en Grande-Bretagne. On sait que la reine Victoria en était férue à l’heure du thé. » La pistole de Trescléoux est un peu la star du Marché d’Orpierre. Et si elle devenait un jour le calisson d’Aix ? « Alors il faudrait d’abord trouver une technique pour dénoyauter ! »
Si vous ratez Jacqueline au marché, vous pourrez toujours l’écouter vous raconter l’histoire des pistoles en séjournant chez elle, car elle et son musicien de mari ouvrent les portes de leur belle maison en proposant depuis un an une chambre d’hôte, heureusement baptisée La Clé de sol (www.lacledesol.e-monsite.com).
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