Sommeil incoercible, quasi permanent, fièvre élevée, troubles moteurs, ophtalmoplégie, et autres signes s’aggravant parfois d’heure en heure jusqu’au décès : c’est à la fin de 1916 qu’un neurologue de l’hôpital universitaire de Vienne, Constantin von Economo (1876-1931), examina plusieurs patients présentant des signes aussi sévères qu’intrigants suivant une phase prodromique évocatrice d’une grippe. Hospitalisés avec des diagnostics variés, allant de la sclérose en plaques à la méningite, ils ne répondaient à aucune des catégories diagnostiques classiques.
Le médecin décrivit cette entité sous le nom d’encéphalite léthargique. Au même moment, un médecin militaire français, René Cruchet (1875-1959) traita des patients présentant les mêmes symptômes et décrivit la maladie quelques jours à peine après son collègue viennois. Ce ne fut que le début d’une longue série de publications sur cette affection frappant avant tout des sujets jeunes (entre 10 et 45 ans, aussi bien hommes que femmes), qui envahit dans les mois qui suivirent l’Europe, sa dispersion étant sans doute facilitée par les mouvements des troupes engagées dans la Grande Guerre. Dès 1919, des cas furent décrits en Amérique du Nord et Centrale, en Inde, puis la maladie se mondialisa dans les années 1920. Les historiens montrèrent que plusieurs épidémies évoquant cette encéphalite avaient déjà sévi : en Angleterre en 1529, en Italie en 1597, en Allemagne de 1672 à 1675, en Suède de 1754 à 1757, puis en Italie encore, en 1890.
1 million de victimes
Au fil des années, on découvrit que les survivants de la phase aiguë étaient exposés à des signes chroniques survenant entre 1 et 10 ans plus tard, associant un parkinsonisme sévère, des troubles du sommeil, des troubles moteurs et psychiatriques (dépression, TOC, etc.). Si le nombre exact de victimes reste inconnu (la maladie ne donnant aucun signe pathognomonique et le diagnostique étant d’exclusion), il fut estimé à plus d'un million à l’échelle mondiale selon les observations d’une Commission américaine qui travailla jusqu’en 1942, créée par un riche américain, William J. Matheson, qui, frappé lui-même par une forme chronique de la maladie, investit à partir des années 1920 une partie de sa fortune pour élucider le mystère de cette encéphalite.
Pourtant, un siècle après le début de l’épidémie, on ignore toujours comment cette maladie se transmet. D’innombrables hypothèses étiologiques ont été formulées dans les champs de la toxicologie et de l’infectiologie puis de l’immunologie. Pour Von Economo, la maladie était le fait d’un virus dont l’entrée était facilitée par l’action du virus grippal (nous étions en pleine épidémie de grippe espagnole !) sur la muqueuse nasale. Joséphine B. Neal, une virologue américaine y vit une infection par l’herpès ou par un streptocoque neurotrope. L’immunologiste australien Russel C. Dale, proposa en 2004 qu’il s’agisse d’un trouble auto-immun suscité par une infection streptococcique infantile. Depuis, une hypothèse « entérovirale » a également été formulée. L’extrême rareté (actuelle) de cette maladie (200 cas publiés entre 1941 et 2009 !) en fait l’un des grands mystères de la médecine…
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