LA PHARMACIE LYONNAISE Blanchet, dans le quartier des Cordeliers, vient de fermer ses portes. Avec ce dépôt de bilan, qui a fait l’effet d’une déflagration dans le milieu officinal local, c’est toute une histoire de la pharmacie libérale lyonnaise qui disparaît. Quel est le Lyonnais qui n’a pas été contraint, une nuit, depuis vingt ans, d’aller montrer patte blanche derrière le guichet sécurisé de la seule officine ouverte jusqu’à l’aube ? La liquidation judiciaire très discrète, au début du mois, de cette pharmacie emblématique n’a fait l’objet d’aucun communiqué de l’Agence régionale de santé Rhône-Alpes, ni de l’Ordre, alors qu’il n’y a plus de pharmacie de garde la nuit dans la deuxième ville de France.
Selon Bernard Montreuil, responsable du syndicat des pharmaciens du Rhône (FSPF), seule organisation professionnelle à s’en être publiquement émue, la pharmacie Blanchet, « fait les frais du plan gouvernemental sur le médicament ». Quelque 400 pharmacies ont disparu en France depuis trois ans, ajoute-t-il, et ce secteur, qui représente plus de 150 000 emplois, « est aujourd’hui très fragilisé par de brutales mutations ».
Concurrence féroce.
Mais le syndicaliste va plus loin. À ses yeux, la disparition de cette institution locale est due à au moins trois facteurs aux effets délétères qui se conjuguent : la baisse des marges, certes, mais aussi l’importance des investissements qui sont nécessaires aujourd’hui dans le secteur officinal, enfin, et surtout, la « terrible » guerre des prix, « féroce et sauvage, absurde et non régulée », à laquelle se livrent en toute liberté une poignée de grosses officines de l’hyper centre-ville… Une guerre que le syndicaliste n’hésite pas à qualifier de « dévastatrice », citant pour preuve de son commentaire l’acte de décès de la pharmacie Blanchet.
La situation des officines dans les arrondissements du centre de Lyon semble contrastée, et l’on pourrait, très schématiquement, les diviser en trois catégories. D’une part, des dizaines d’officines bien implantées dans leur environnement, à la clientèle de proximité, qui jouent pleinement leur rôle de service et de conseil santé. D’autre part une deuxième catégorie, de taille parfois plus importante, notamment dans les arrondissements du centre-ville historique, qui tirent leur épingle du jeu en alliant service de proximité, conseil mais aussi attractivité sur les prix, notamment en parapharmacie. Enfin, une poignée de grosses officines, situées dans l’hyper centre, qui jouent résolument la carte d’une concurrence effrénée et tous azimuts sur les prix. Plébiscitées par les clients venus de toute l’agglomération qui sont essentiellement séduits par l’attractivité des prix, prises d’assaut du matin au soir, il n’est pas rare d’y être contraint de patienter trente à quarante minutes dans des files d’attente impressionnantes.
Incompétence coupable.
Selon Bernard Montreuil, le dépôt de bilan de la pharmacie Blanchet, outre ce contexte de concurrence non régulée, y va également de la responsabilité - ou pour le moins de la co responsabilité - des établissements bancaires. Comment justifier, avance-t-il, que des banques accompagnent « sans jamais le moindre état d’âme des prises de risques inconsidérées ? », et n’y-a-t-il pas là, d’une certaine façon, une forme d’incompétence coupable des experts financiers spécialisés dans l’officine lorsque « tel ou tel confrère se retrouve brutalement dans la difficulté extrême » ?
Aujourd’hui, les discussions sont en cours, d’une part pour tenter de trouver un repreneur à la pharmacie, de telle sorte que l’exploitation, notamment nocturne, puisse se poursuivre. D’autres négociations se tiennent entre les organisations syndicales et l’Agence régionale de santé, qui semble plutôt conciliante puisque, malgré l’absence de service de garde de nuit, elle n’a pour l’instant pas évoqué de réquisition. Selon Bernard Montreuil, une solution devrait être trouvée « d’ici une ou deux semaines au plus tard ».
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