TEL EST pris qui croyait prendre. Toujours prête à coincer les officinaux sur les prix qu’ils appliquent et la qualité des conseils qu’ils dispensent, l’UFC-Que Choisir avait décidé de lancer une nouvelle enquête de terrain. L’objectif était double : « établir un comparatif des prix pratiqués en pharmacie pour des médicaments en vente libre et non remboursés » et « faire un état des lieux du conseil prodigué par les pharmaciens lors d’un achat de deux médicaments en vente libre et non compatibles entre eux », indiquait le protocole de l’enquête que le « Quotidien » a pu se procurer. Plus précisément, l’idée était de dresser un bilan de la mise en place du libre accès à certaines spécialités dans les pharmacies, trois ans après la parution du décret de juillet 2008. « Un des objectifs de ce décret est de rendre le marché des OTC (over the counter) plus concurrentiel, en permettant au consommateur de comparer facilement les prix entre les pharmacies », soulignait le document confidentiel. De même, « suite à ce décret, la grande distribution demande l’autorisation de vendre ces médicaments non remboursés. Les pharmaciens insistent alors sur l’importance de leur rôle dans le conseil. » En clair, l’association de consommateurs souhaitait, d’une part, vérifier si la mise devant le comptoir de médicaments avait permis de faire baisser les prix ; et, d’autre part, si le conseil officinal, valeur ajoutée par rapport aux autres circuits de distribution, était bien au rendez-vous. Autrement dit, si le monopole pharmaceutique sur ces produits restait justifié.
Oui mais voilà, très rapidement le protocole s’est retrouvé dans d’autres mains que celles des enquêteurs. Et, dès le weed-end dernier, alors même que l’opération ne faisait que commencer, le document circulait déjà sur le Net. Du coup, l’association de consommateurs décidait de la suspendre. Pour le moment, car son président, Alain Bazot, a été clair, « cela ne veut pas dire que nous allons renoncer à enquêter sur les prix et le conseil ». Les pharmaciens sont prévenus.
Un scénario préétabli.
En fait, l’UFC-Que Choisir, qui regrette que les pharmaciens n’aient pas souhaité jouer le jeu, cherche à déterminer sur la situation a évolué depuis sa précédente étude, menée en 2009, et qui avait, selon l’association, pointé « des défaillances dans le conseil pharmaceutique ». Pour cela, elle avait donc mis sur le coup ses meilleurs limiers et les avait chargés d’arpenter des officines. Pas n’importe lesquelles, mais celles figurant sur une liste qu’il était demandé aux enquêteurs de respecter « scrupuleusement ». « Pour plus de confort, nous vous conseillons de ne pas enquêter votre pharmacie, habituelle », indiquait le protocole qu’il leur avait été remis. Un protocole précis, qui ne laissait rien au hasard. Celui-ci décrivait en effet le scénario à suivre et offrait une couverture aux enquêteurs : « Vous êtes en train de créer (avec d’autres personnes) une association ayant pour but de s’occuper de jeunes (adolescents). Vous aimeriez que l’on vous communique les prix de la liste de médicaments jointe (future armoire à pharmacie de l’association), afin de valider le budget avec les autres membres de l’association. » Attention, ils devaient bien se garder de faire référence à une quelconque association de consommateurs. Secret et discrétion. Les répliques étaient également soufflées. Si le pharmacien posait des questions, il fallait répondre : « Cette association n’est pas encore créée, elle est en phase d’élaboration. » Que faire si le titulaire proposait des médicaments équivalents mais moins chers que ceux de la liste ? « Notez les noms et les prix en plus de ceux de la liste, mais obtenez aussi les prix des médicaments de la liste. » Pendant la visite, ces clients mystères devaient aussi jeter un œil discret sur le bon affichage des prix et la présence d’une information claire sur les tarifs.
Attention aux pièges.
Enfin, troisième volet de la mission, le piège. On demandait en effet aux enquêteurs d’acheter deux boîtes de médicaments qu’il vaut mieux ne pas associer entre eux. Sur le terrain, la mission consistait à expliquer à la cible (le pharmacien) que son mari (ou sa femme) avait un peu de fièvre, associé à des maux de tête et que l’on souhaitait acquérir « une boîte d’aspirine UPSA 500 mg, en comprimés effervescents » et « une boîte de Nurofen 200 mg, en comprimés enrobés ». Avec pour consigne : en dire le moins possible à l’officinal. Mais surtout de refuser gentiment le remplacement de l’aspirine par du paracétamol, en prétextant que ce dernier « n’est pas efficace ». En revanche, l’agent trouble avait la possibilité d’accepter des médicaments équivalents moins chers, à condition que les principes actifs soient identiques. « Si le pharmacien insiste dans le changement du médicament ou refuse de vous vendre les deux médicaments associés, ressortez de la pharmacie sans rien acheter en disant que vous allez voir avec votre médecin traitant », précisait la fiche technique. La bourse ou la vie, en quelque sorte.
Finalement, à la lecture des détails de cette mission, on se dit que les officinaux n’ont pas grand-chose à craindre de ce type d’enquêtes. Si ce n’est l’interprétation qui pourrait en être faite. En fait, si les initiateurs de ce type d’enquête souhaitent, c’est sûr, le bien des consommateurs, on peut se demander s’ils s’intéressent aussi au bien des malades, attachés à leur officine de proximité. Des vrais malades qui ne jouent pas la comédie, eux.
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