Si l’usage thérapeutique des coléoptères reste anecdotique - exclusion faite de celui de la cantharide -, son histoire n’en est pas moins riche de textes aujourd’hui amusants. Les recherches pharmacologiques suggérant l’intérêt des toxines produites par divers arthropodes, certains coléoptères pourraient-ils, qui sait, devenir la base de médicaments du futur ?
Nous connaissons tous le cerf-volant ou lucane : les mâles du plus gros des coléoptères européens ne passent guère inaperçus avec leurs mandibules hypertrophiées. Précisément, dans son Traité Universel des Drogues Simples (édition de 1714), l’apothicaire Nicolas Lemery (1645-1715) évoque divers usages de ces insectes impressionnants qu’il assimile curieusement à de grosses « mouches » : « On les estime propres pour apaiser les convulsions & la douleur des nerfs, étant écrasées & appliquées ou cuites dans un onguent ou dans une huile appropriée ; on porte cette mouche vivante enveloppée & suspendue au cou en amulette pour guérir la fièvre quarte (…) ; on attache aussi les cornes au cou des enfants pour les empêcher de pisser au lit (…) ». Également rédigée par Lemery, la Pharmacopée Universelle, propose un onguent de scarabées antirhumatismal (Unguentum Scarabeorum) dont la composition à base de « bousiers » surprend : « On amassera des escarbots, qu’on appelle fouille-merdes, quand ils sont dans leur vigueur, on les écrasera bien dans un mortier & on les mêlera avec de l’huile de laurier, on mettra le mélange dans un pot qu’on bouchera exactement & on le laissera en digestion pendant un mois (…) ».
Cantharide officinale
Quant aux hannetons, jadis abondants, ils passaient pour constituer un fortifiant populaire. Ainsi, dans une publication allemande de 1844 (Zeitschrift für Staatsarzneikunde), le médecin Johann Joseph Schneider (1777-1855) en recommande la consommation sous forme d’une soupe comme un « plat excellent » de préparation facile : il suffit de laver, écraser au mortier, faire revenir avec du beurre avant de les ajouter à un bouillon une trentaine de ces coléoptères par personne.
Mais c’est surtout la mouche d’Espagne ou cantharide officinale (Lytta vesicatoria) qui reste connue pour produire une substance toxique : la cantharidine, isolée en 1810 par le pharmacien Pierre-Jean Robiquet (1780-1840), objet d’importants travaux que Jean-Victor Audouin (1797-1841), médecin (et coléoptériste ! ce fut l’un des fondateurs de l’entomologie moderne) publia en 1826. Réduit en poudre, ce coléoptère fut, des siècles durant, employé comme vésicatoire et sa collecte constitua (en Touraine, en Espagne, en Italie, etc.) une activité lucrative jusqu’au XIXe siècle.
Mais, surtout, la poudre de cantharide passa longtemps pour puissamment aphrodisiaque (elle figurait par exemple dans la formulation des « dragées d’Hercule »), une réputation évidemment usurpée : la cantharidine est irritante, notamment pour les voies urinaires, ce qui explique qu’elle induise des érections réflexes. La dose active n’étant guère éloignée de la dose toxique (l’ingestion d’une centaine de milligrammes peut se révéler fatale !), les accidents furent légion. L’affaire des prostituées de Marseille en constitua, en 1772, un exemple éloquent : pour s’assurer de l’ardeur de prostituées qu’il avait fait recruter par son valet, le marquis de Sade (1740-1814) leur offrit des bonbons à l’anis qui n’étaient autre que des pastilles de cantharide. Les galantes tombèrent malades et l’une d’elles, Marguerite Coste, se croyant empoisonnée, dénonça les pratiques de Sade. S’ensuivit la condamnation à mort du marquis, son arrestation puis son évasion dans une suite de péripéties rocambolesques - l’arrêt du Parlement d’Aix condamnant Sade pour cette affaire fut finalement cassé en 1778 -.
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