Un chiffre devrait redonner le moral à la profession. Après cinq années d’étale marquées par une variation du chiffre d’affaires d'environ 0,5 %, l’activité officinale repart à la hausse de 2,8 %. L’officine doit essentiellement cette progression de son chiffre d’affaires à 1,882 million d’euros en moyenne, à la part des honoraires de dispensation et aux ROSP qui ont augmenté de 8,56 % en 2019. Ces recettes de 160 300 euros en moyenne constituent désormais 8,52 % de la rémunération officinale, contre 8,03 % en 2018. Cette tendance est imputable à l’introduction des nouveaux honoraires au 1er janvier 2019, comme l’analyse Sébastien Legrand, expert-comptable et commissaire aux comptes, à Lille, à la présentation des statistiques de la profession pour 2019*. Elle devrait du reste s’accentuer cette année car, remarque l’expert-comptable, membre de la commission juridique du réseau CGP, pour un certain nombre d’officines suivies, l’exercice clôturé en septembre ne reflète qu'une partie des effets de ces nouveaux honoraires. « Nous devrions avoir l’année prochaine une vision plus réaliste car nous aurons les honoraires sur une année complète », déclare-t-il. Quoi qu’il en soit, les bilans de l’année dernière signalent une nette progression de cette ligne, « au détriment des ventes », constate Sébastien Legrand.
Un rôle d'amortisseur
En effet, les ventes d’OTC, tout particulièrement, fléchissent de 3,73 %, en raison de « l’attirance des consommateurs pour des médecines naturelles », notent les experts-comptables. Une analyse qui s'appuie sur le bond de 4,47 % opéré par le segment des produits à TVA 5,5 %, aromathérapie, compléments alimentaires, micronutrition… Mais de toute évidence, l’activité économique est essentiellement portée par le médicament remboursable, premier marché de l’officine (1,676 million d’euros en moyenne) en progression de 2,54 %, contre 1,42 % sur l’ensemble des autres segments de produits. Les honoraires jouent cependant un rôle déterminant dans cette performance du médicament remboursable puisqu’ils représentent 0,88 point de cette croissance. « 50 % de la marge sur le médicament remboursable et 70 % de la marge brute globale de l’officine sont constitués par l’honoraire, observe Sébastien Legrand, il s’agit désormais de la première source de revenu pour le pharmacien. »
La démonstration n’est plus à faire, les honoraires jouent leur rôle d’amortisseur de la baisse des prix du médicament. Une baisse observée d’année en année et que les experts-comptables chiffrent à 3,27 % pour 2019, au regard de l’indice des prix à la consommation INSEE des produits pharmaceutiques. Les honoraires font donc leurs preuves et n’ont du reste pas dit leur dernier mot. « La deuxième étape de l’avenant 11 de la convention pharmaceutique aura un impact significatif en 2020 sur la présentation des comptes avec l’évolution des honoraires à l’ordonnance et la nouvelle baisse programmée de la MDL », prédisent les experts.
Cet effet stabilisateur des honoraires est d’autant plus primordial que l’avenir d’autres éléments de rémunération, notamment des contrats de coopération commerciale sur les génériques, est pour le moins incertain. Car si la contribution des génériqueurs à l’activité officinale marque encore une progression de 3,99 % en 2019, soit une rémunération moyenne de 43 532 euros, cette source de revenus pourrait être remise en cause par l’application de l’article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020, la généralisation du TFR et l’alignement du prix du princeps sur le générique par certains laboratoires. « Cette contribution à la marge officinale des génériques nécessite de contrôler régulièrement ses remises », insistent les experts-comptables.
L'effet dopant des médicaments chers
La pharmacie aurait-elle réussi la transformation de son modèle économique ? Si les signaux restent encourageants quant à l’effet bénéfique des honoraires qui devraient composer 70 % de la rémunération officinale en fin d’année 2020, certains facteurs de fragilisation persistent. Parmi eux, la baisse continue des volumes (nombre de boîtes vendues et nombre d’ordonnances délivrées) qui affectent de facto les honoraires de dispensation.
Autre signe d'inquiétude, la part des médicaments chers (prix supérieur à 150 euros), de plus en plus prépondérante (+ 15 % en 2019) dans le chiffre d’affaires du médicament remboursable. Cette progression des médicaments chers est à analyser avec attention, comme le signalent les experts-comptables. En 2019, elle a contribué à tirer le chiffre d’affaires vers le haut (+ 2,54 %) et détient désormais un effet dopant, voire en trompe-l’œil, sur l’activité globale. De plus, la baisse du taux de marge sur ces médicaments chers affecte la marge brute globale de l’officine alors même que celle-ci marque le pas. A 590 500 euros, soit 1,29 % de plus qu’en 2018, elle représente désormais 31,37 % du chiffre d’affaires, contre 31,68 % l’année précédente. Une érosion qui ne manque pas d’inquiéter car cette progression en valeur de 7 500 euros ne suffit pas à compenser la hausse des charges, 2,47 % pour les frais de personnels et 2,42 % pour les charges externes, notamment.
Aucune surprise, dans ce contexte où l’évolution de la marge brute globale ne suffit pas à compenser ces hausses des charges, l'excédent brut d’exploitation (EBE) ne peut que s’infléchir. À 240 600 euros, soit 12,78 % du chiffre d’affaires contre 13,15 % en 2018, il diminue en valeur de 1 400 euros, soit 0,58 % Un signe d’érosion d’autant plus inquiétant que cet indicateur chute de 2,37 % (- 5 400 euros) pour les officines dont le chiffre d’affaires se situe entre 1,5 et 2 millions d’euros, soit la majorité du marché officinal.
* Sur 1 786 officines du réseau dont 36,11 % en zone urbaine, 32,87 % en zone rurale, 23,57 % dans les gros bourgs, et 7,45 % en centre commercial.
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