SPÉCIALISTE de l’agressivité, auteur des « Racines de la violence » (Odile Jacob, 2002), créateur d’un laboratoire de neurophysiologie du CNRS, cet observateur strasbourgeois situe son discours entre l’inné et l’acquis, il a garde de s’en tenir à une causalité neuro-encéphalique. La mise en place de réseaux neuronaux, la souplesse des neurotransmissions dépendent étroitement, selon lui, des interactions avec l’environnement social. Avant tout, le cerveau humain se révèle « une remarquable machine à apprendre ».
On ne s’étonnera pas que, adossé à un immense savoir génétique et neuronal, Pierre Karli y voit plus un ensemble de conditions qu’une causalité mécanique. Il l’exprime ainsi, lorsqu’il évoque le lien social malade : « Ce n’est pas dans notre héritage biologique qu’il faut chercher l’origine de la dégradation humaine avec la montée des incivilités et des violences, mais dans l’évolution de nos mentalités collectives et individuelles, qui, loin de conduire à plus d’humanité, tend de plus en plus à nous déshumaniser. »
Autrement dit, quelque chose s’est cassé dans le merveilleux processus commencé depuis les contacts intra-utérins, qui a fait l’hominisation de l’homme grâce au langage et à la culture. Très vite, Pierre Karli doit se faire sociologue et analyser tout ce qui grippe, enraye gravement nos processus sociaux. C’est le cœur du livre, mais aussi sa partie la plus polémique.
Ce n’est sans doute pas par excès d’originalité que l’auteur affirme péremptoirement que « les grandes menaces qui planent sur le monde sont le fait de l’humanité elle-même ». Et d’évoquer la course aux armements, les effets déstabilisants des inégalités entre pays pauvres et pays riches. Il ajoute à cela l’horreur démographique, bientôt 9 milliards d’individus. Cette dernière notation fantasmatique est surtout une erreur, tous les scientifiques s’accordant à dire que la Terre peut nourrir tout le monde. Plus intéressantes sont les analyses se situant à l’intersection de la relation entre l’individu et la société, c’est-à-dire au cœur de l’éducation et de la culture. Pierre Karli s’en prend, après tant d’autres, à l’individualisme matérialiste de notre époque.
Le langage stérilisé.
Il en détaille les conséquences multiples : culte de l’objet et du paraître, rejet de toute contrainte, d’où l’impossibilité pour les jeunes de résister aux influences qui s’imposent par leur omniprésence (publicité, démagogie, émissions débiles, pornographie). La résultante étant une tendance à considérer la sincérité et la loyauté comme une série de « dérangeantes faiblesses ».
Mais l’effroi de l’auteur porte sur ce qui fait le lien culturel par excellence, le langage où se partagent la parole et la pensée, réduit et appauvri par les nouvelles technologies. Un langage stérilisé par l’usage des SMS et la réduction du français à un sabir phonétique. Comme on le devine, l’auteur met en accusation les pratiques de l’Internet, un support où l’on communique beaucoup et où l’on n’échange rien.
Bien sûr, c’est ce genre d’analyses qui fera trouver Pierre Karli légèrement « réac », mais il faut comprendre qu’il ne manque pas d’arguments lorsqu’il s’en prend à tout ce qui casse les liens et les transmissions humaines.
Ce sont ces réalités qui contribuent à notre identité. Les brouiller trop souvent empêche de persévérer dans son être. C’est, selon l’auteur, qui se met à nu vers la fin, ce qu’enseigne avant tout le devenir de l’Alsace : une culture et une transmission souvent saccagées par l’Histoire avec une grande hache.
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