« 2009 est une année extrêmement difficile pour nombre de pharmaciens », affirme Philippe Besset, président de la commission Économie de l’officine de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Les résultats de la dernière enquête économique* réalisée par le syndicat, et présentée lors de la 11e journée de l’Économie de l’officine organisée par « le Quotidien », ne sont, en effet, guère réjouissants.
Certes, la marge réglementée sur le médicament remboursable, stagnante en 2009, remonte légèrement sur les huit premiers mois de 2010 (+1 point). Mais la tendance devrait être à la baisse sur les quatre derniers mois de l’année, prévoit Philippe Besset. La raison ? « Le décalage entre les mesures annoncées pour 2010 et leur application », explique-t-il. Par exemple, les nouvelles vignettes orange ne sont réellement entrées en vigueur qu’au mois de juillet. Ce qui lui fait dire que « les mauvais mois sont à venir ».
Quoi qu’il en soit, les signaux atteignent déjà la côte d’alerte. En un an, la proportion d’officines dont la trésorerie est dans le rouge est passée de 36 % en 2008 à 48 % en 2009. Les revenus des pharmaciens sont également à la baisse. Selon l’enquête économique de la FSPF, le résultat moyen d’un titulaire s’élève, en 2009, à 87 000 euros**, contre 91 000 euros en 2008. À titre de comparaison, un pharmacien gérant (coefficient 800) perçoit un salaire annuel brut de 60 000 euros. Si l’on retranche la valeur salariale du travail du résultat d’un pharmacien, il reste 27 000 euros pour un chiffre d’affaires de 1,547 million d’euros. Soit « une valorisation du capital à environ 1,7 % », calcule Philippe Besset. « On atteint une limite pour l’exercice libéral, fait remarquer le président de la commission Économie de la FSPF. Plus on va diminuer cette valeur, plus les confrères auront intérêt à rester salarié et à placer leur argent ailleurs. »
Une marge inadaptée au marché.
Pour de nombreux pharmaciens, la limite est déjà dépassée. 43 % des titulaires ont un revenu annuel inférieur à celui d’un pharmacien gérant et 20 % touchent en dessous de 30 000 euros par an, c’est-à-dire moins que le salaire brut d’un pharmacien débutant (coefficient 400), révèle l’enquête de la FSPF. « Ces confrères ont le sentiment que leur travail et leur statut de professionnel de santé ne sont pas reconnus », commente Philippe Besset. Toutefois, les 60 % ayant des revenus apparemment plus confortables n’échappent pas aux difficultés. Le remboursement de leur capital d’emprunt peut en effet peser lourdement sur leurs résultats, l’évolution économique de l’officine ayant changé depuis 2005. Car les volumes et les prix des médicaments remboursables sont à la baisse depuis cinq ans.
Dans ce contexte, le modèle actuel de la marge, n’est plus adapté. D’autant que les autres secteurs de l’officine ne permettent pas de compenser les pertes. « Les ventes des produits à TVA 5,5 % et à 19,6 % s’effondrent », souligne ainsi Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Au final, « nous sommes inquiets pour la pérennité de l’exercice libéral si rien n’est fait pour remédier à la structuration de notre rémunération et pour faire évoluer notre réseau de pharmacies d’officine », insiste Philippe Besset.
C’est donc tout l’enjeu des négociations actuelles sur l’évolution de la marge engagées avec le gouvernement. La dernière réunion du 15 septembre avec les pouvoirs publics n’a pas permis d’apporter les solutions économiques tant attendues par la profession. Les arbitrages sont repoussés au 25 octobre, à la veille de l’examen par les députés du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2011. Or, le temps presse.
Stratégies divergentes.
Sur ce point, les syndicats sont d’accord : il faut un ballon d’oxygène immédiatement. En revanche, sur la façon d’y parvenir, les positions divergent. D’un côté, la FSPF et l’UNPF plaident pour une relinéarisation de la marge en augmentant le seuil de la première tranche aujourd’hui fixée à 22,90 euros (la FSPF souhaite la porter à 75 euros et l’UNPF à 70 euros). De l’autre, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) préfère jouer sur le forfait à la boîte en le revalorisant de 10 centimes d’euros, tout en demandant l’arrêt des grands conditionnements. Selon Claude Japhet, la proposition de l’USPO accroît encore plus la dégressivité de la marge actuelle et les écarts entre les confrères. De plus, elle ne redonne de l’argent au réseau que pour un an. Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, estime, lui, que l’augmentation du seuil de la première tranche ne bénéficierait finalement qu’à environ 5 % des spécialités actuellement dans la deuxième tranche.
Alors, quelle serait la meilleure solution ? Difficile de répondre. La bataille d’arguments à laquelle se sont livrés les syndicats lors de la Journée de l’économie n’a pas donné de réel avantage ni aux uns, ni aux autres. En fait, les deux propositions semblent surtout se différencier par leur stratégie. Le projet de relinéarisation défendu par la FSPF et l’UNPF paraît vouloir s’inscrire davantage dans la durée. Tandis que celui de l’USPO semble parier sur la mise en œuvre rapide d’une valorisation des services permettant de compléter la rémunération. Mais « la rémunération des services n’interviendra pas avant 2013, au bas mot », affirme Claude Japhet. « Personne n’a la garantie qu’un système inflationniste ne sera pas suivi l’année d’après par un coup de rabot », rétorque Gilles Bonnefond. « Notre objectif est de permettre à la profession d’entrer dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires dans de bonnes conditions », insiste-t-il.
Autre sujet de discorde : les mesures à mettre en place pour compenser le surcoût pour l’assurance-maladie d’une augmentation de la marge. L’UNPF se dit disposer à étudier toutes les pistes ; l’USPO mise sur la prise en charge du petit risque par les complémentaires ; quant à la FSPF, elle serait prête à accepter l’application d’un TFR dans les groupes génériques créés avant le 31 décembre 2006. Cette dernière hypothèse pourrait séduire le gouvernement et permettre une revalorisation rapide de la marge. Mais aussi provoquer de l’hostilité chez les confrères qui n’ont jamais vu cette mesure d’un très bon œil.
** Cette somme lui sert non seulement à vivre, mais aussi à rembourser le capital emprunté, à investir dans la pharmacie et à payer des impôts.
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