LE 21 MARS 2005, le Commissaire européen Charly Mc Creevy lance une procédure d’infraction contre l’Italie, laquelle réserve la propriété du capital de ses pharmacies aux seuls pharmaciens y exerçant. On saura, plus tard, que la plainte avait été déposée par le grossiste allemand Celesio, qui rêvait d’obliger l’Italie à revoir sa législation pour y constituer une chaîne lui appartenant, d’abord dans la Péninsule, puis dans d’autres pays. Plusieurs procédures identiques seront lancées à partir de 2006, d’abord contre l’Espagne et l’Autriche, puis contre la France en 2007, là aussi en raison de la réserve du capital des officines aux seuls pharmaciens et de l’impossibilité pour eux d’en gérer plus d’une seule. En France, comme dans les autres pays concernés - l’Allemagne, puis le Portugal, la Grèce, la Bulgarie et Chypre ont ensuite fait l’objet de plaintes comparables - les pharmaciens ont redouté, pendant toutes ces années, un bouleversement total de leur activité, qui aurait été inéluctable si les plaintes de « Charly » avaient été acceptées par la Cour européenne de Justice, ouvrant ainsi la voie aux chaînes.
Le 19 mai 2009 toutefois, la Cour européenne de Justice, à Luxembourg, rend son arrêt sur l’affaire italienne de 2005 : certes, les réserves sur le capital enfreignent effectivement le droit européen, mais elles sont valables car elles contribuent, en favorisant une bonne répartition des officines gérées par des professionnels compétents, à protéger la santé de la population. Or la santé est, avec la défense nationale, l’un des rares domaines qui « priment » sur les traités européens et la libre circulation. Même si certains pays européens tolèrent les chaînes, cela ne signifie nullement que les autres doivent faire de même, poursuit en substance cet arrêt, qui suscite alors un énorme soulagement dans les pays où la pharmacie est réglementée. De plus, plusieurs autres affaires portant, elles, sur les cliniques, les dentistes et les opticiens, confirment, dans les mois qui suivent, le principe selon lequel les États restent maîtres d’organiser eux-mêmes leur système de santé, même en s’opposant au droit européen. Dès lors, les autres plaintes deviennent caduques de fait, mais la Commission, peu soucieuse d’avouer son échec dans ce domaine, ne se montre pas pressée d’abandonner les procédures. Aujourd’hui, l’officialisation de la décision d’abandon, certes particulièrement tardive, ne surprend personne à Bruxelles, dans la mesure où la Commission n’avait plus aucune chance de « gagner » sur ces dossiers.
La Commission ne désarme pas.
L’abandon des poursuites ne signifie pas pour autant que la Commission ne croit plus aux vertus de la libéralisation des pharmacies : bien au contraire, elle attend notamment de la Grèce qu’elle libéralise ce secteur, dans le cadre des contreparties versées par les organismes européens et internationaux pour sauver son économie. Comme le souligne le secrétaire général du Groupement des pharmaciens de l’Union européenne (GPUE), John Chave, « la Commission va désormais tenter d’obtenir par la voie politique ce qu’elle n’a pas pu avoir par la voie juridique ». Elle « recommande » déjà fortement au Portugal, lui aussi lourdement endetté, d’ouvrir ses pharmacies à la libre concurrence. On peut toutefois se demander s’il suffit de « libéraliser » les pharmacies - ou les taxis et les notaires - pour guérir un pays de tous ses maux : l’Allemagne, très réglementée dans ces domaines, se porte plutôt bien, alors que le Royaume Uni ou l’Irlande, très libérales sur ces différents points, n’offrent pas l’image de la santé la plus éclatante…
Selon les spécialistes de la pharmacie européenne, les pharmaciens doivent donc s’attendre d’autres offensives de la part de la Commission, plus subtiles que les dépôts de plainte, mais peut-être aussi plus efficaces. Et, paradoxalement, la crise économique et financière actuelle pourrait venir en aide aux partisans du tout libéralisme… alors même qu’un nombre croissant de citoyens européens rejette la poursuite de ces politiques en estimant qu’elles ne mènent plus nulle part.
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