Régénérer un organe grâce à l’électricité

Les yeux plus gros que le ventre

Publié le 30/01/2012

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LES PHYSIOLOGISTES pensaient jusqu’alors que seuls les neurones et les fibres musculaires étaient amis de l’électricité. La découverte du biologiste américain Michael Levin, de l’université de Tufts, à Medford, Massachusetts, montre que d’autres cellules et d’autres organes témoignent, durant leur croissance, du rôle déterminant du potentiel électrique local. Une expérience étonnante menée sur le xénope du Cap (grenouille très utilisée en laboratoire) a permis de faire croître à l’intérieur même de l’abdomen de l’amphibien un œil fonctionnel. Comment les chercheurs en sont-ils arrivés là ? Ils ont d’abord fait un constat : 20 heures après la fécondation des œufs, le potentiel de membranes de certaines cellules de la tête des têtards chute à environ - 20 millivolts. Or ces cellules sont situées à l’emplacement exact où se développeront les yeux. Partant de là, les scientifiques ont fait le pari que la seule baisse de tension était susceptible de générer la formation d’un œil, quelle que soit la zone cellulaire « électrifiée ». Bingo ! En implantant des canaux ioniques capables d’abaisser la tension des 20 millivolts requis, ils sont parvenus à faire « pousser » des yeux à peu près n’importe où dans le corps du têtard, et notamment dans l’abdomen.

Cette observation, même si l’on n’en comprend pas encore bien les mécanismes, ouvre de nouvelles et séduisantes perspectives dans le domaine de la médecine régénérative. Car il semble beaucoup plus simple d’agir sur les propriétés électriques des cellules que sur les protéines pour favoriser la régénération d’un membre ou d’un organe, soulignent les spécialistes. Faire repousser un bras ou une jambe rien qu’en appliquant au moignon un courant électrique, l’idée semble sortie tout droit de l’esprit du Dr Mabuse. En attendant que cette chimère devienne réalité, pensons à cette petite grenouille qui, quelque part dans un laboratoire, se regarde le nombril avec circonspection.

› DIDIER DOUKHAN