RIRE pour ne pas en pleurer : tel est le fond de « Retrait de marché » (1), le premier roman d’un certain Clément Caliari, le pseudonyme d’un chercheur de 28 ans qui étudie, à l’université, le fonctionnement de l’industrie pharmaceutique. Sa publication aujourd’hui n’est peut-être pas fortuite, mais le manuscrit a été remis à l’éditeur bien avant le scandale médiatique du Mediator. Qu’il évoque indubitablement, avec d’autres « affaires ».
Mais ici le roman prend le dessus. Le personnage principal, Louis Lémure, est ingénieur dans l’industrie pharmaceutique. Parti de rien ou presque, il a pour ambition de devenir, comme son idole le général de Gaulle, un sauveur. Pour cela il doit trouver, avant la concurrence, le produit miracle qui fera la fortune des laboratoires Caducée de Saint-Ouen, et son bonheur. La chance lui sourit : il met au point un antibiotique à large spectre censé envoyer la pénicilline aux oubliettes.
On est au début des années 1950. Tout est possible. La machine s’emballe avec l’accord de tous et le Résiston est aussi vite produit que diffusé et prescrit. Ses effets secondaires sont dramatiques : des centaines de morts et des malformations en pagaille, en particulier chez les nouveau-nés.
Bien évidemment, Louis Lémure n’assume pas et s’enfuit. Un médecin et pasteur à Nérac, dont un enfant est mort et l’autre cloué dans un fauteuil roulant, l’amènera devant la justice. Près de la moitié du roman est consacrée au procès, que l’auteur montre dans sa réalité de tragicomédie. On sourit jaune encore. C’est la grande réussite de Clément Caliari de donner une satire sur un sujet aussi dramatique. Antihéros égocentrique et vain, lâche et cupide, sans scrupule ni éthique, Louis Lémure n’est personne en particulier, simplement la caricature de ce que les hommes, les métiers, les entreprises, les garants des institutions peuvent devenir.
Une overdose médicamenteuse.
Paru aux États-Unis il y a dix ans déjà, « Nuits insomniaques » (2), de Robert Cohen, n’est pas triste non plus ! Comme dans son premier livre traduit, « Ici et maintenant », l’écrivain américain met en scène, avec une bonne dose d’humour, des individus qui ne supportent plus ce qu’ils sont et sont prêts à tout pour changer.
Il y a donc Bonnie qui, à 39 ans, élève seule ses deux garçons et dont les aventures amoureuses ne lui apportent que des déboires – elle est à nouveau enceinte –, qui ne parvient pas à terminer sa thèse et n’accroche pas avec ses étudiants ; et pire, elle n’arrive plus à dormir. Quand elle apprend que l’hôpital de Boston cherche des cobayes humains pour tester un nouveau produit censé lutter contre l’angoisse, la peur, la dépression, les insomnies et Cie, elle y court… Et rencontre le psychiatre qui conduit les fameuses recherches sur le sommeil paradoxal, Ian, lequel se révèle tout aussi inadapté à la vie quotidienne (inutile de multiplier les exemples !).
Bonnie va-t-elle devenir une droguée sur ordonnance ? Bonnie et Ian vont-ils basculer ensemble, connaître le grand amour ou nouer une relation basée sur l’addiction ? Le fameux médicament miracle est-il une panacée ou une hâblerie seulement destinée à faire du profit ? Autant de questions que vous aurez plaisir à éclaircir… le temps de quelques insomnies !
Alice au pays du cancer.
Il était une fois une écrivaine, membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, qui fut longtemps psychanalyste (Lydia Flem s’est fait connaître avec « la Vie quotidienne de Freud et de ses patients »), et qui a choisi la forme du conte pour raconter le face-à-face d’une femme avec le cancer. Une fiction pour défier la mort, qui est aussi un hommage à Lewis Carroll. Car l’héroïne de « la Reine Alice » (3) traverse réellement le miroir lorsqu’elle se découvre malade.
Dans le laboratoire du Grand Chimiste et le service de Lady Cobalt, elle est entourée d’objets magiques et de personnages extravagants où les aides-soignants et les infirmiers sont des trolls ou des vers à soie, où l’on croise les avatars du Lapin blanc et de la Reine rouge, ou encore un Docteur Home. Persécutée par les uns, protégée par les autres, elle traverse les épreuves et devient finalement la reine Alice. Entre conte de fées et cauchemar, Lydia Flem nous entraîne dans cet autre monde qu’est la maladie, où rien ne se ressemble plus.
Chronique d’une mort annoncée.
Le cancer est encore au cœur du roman de Pascale Kramer, dont le précédent, « l’Implacable brutalité du réveil », a été plusieurs fois primé. « Un homme ébranlé » (4) montre la déchéance du corps d’un homme de 50 ans qui fut éducateur sportif et qui refuse tout traitement. Il préfère en finir avec une époque qu’il juge inconséquente et une vie conjugale sans relief. Son épouse également se prépare à la fin.
Mais voici qu’intervient un jeune garçon, le fils que le malade aurait eu d’une liaison de passage. Avec l’enfant, la vie entre dans la maison. Et les cœurs à nouveau se mettent à battre, non sans ambiguïté, entre attirance et jalousie, chacun en tout cas percevant comme un soulagement l’irruption de l’enfant dans un quotidien marqué par la maladie.
Éloge de la vérité.
Deux bonnes fées, qui ont pour nom Robert Vigouroux (introduction) et Marcel Rufo (préface), se sont penchées sur le deuxième opus de Nicole Delor, « Promets-moi de mentir » (5). Comme dans « Vérités égarées », qui avait été fort bien reçu, le mensonge est la pierre angulaire du récit.
Le roman montre en effet comment une jeune Parisienne, « descendue » en Provence pour reconquérir un amoureux, s’attache à persuader son voisin de villégiature, cloîtré dans son mas doré, de dire à ses enfants la vérité sur la maladie de leur mère, atteinte d’une leucémie et qui va mourir. Hospitalisée depuis un an, celle-ci avait fait promettre à son mari de garder le silence, donc de mentir.
Une histoire d’amour total avec, en filigrane, des questions obsédantes sur ce que l’on peut ou doit dire à un enfant, et comment, jusqu’à quel point on peut mentir ou dire la vérité, sur les réponses à apporter aux interrogations d’un enfant en souffrance…
(2) Joëlle Losfeld, 462 p., 25 euros.
(3) Éditions du Seuil, 336 p., 19,50 euros.
(4) Mercure de France, 144 p., 15 euros.
(5) Jacques-Marie Laffont éditeur, 230 p., 18,90 euros.
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