« LE PROJET de décret sur les ruptures d’approvisionnement ne va pas du tout dans le bon sens. Nous y sommes extrêmement hostiles », déclare Emmanuel Déchin, secrétaire général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Le syndicat s’oppose notamment à l’article 10 du texte, qui prévoit la possibilité pour les laboratoires de mettre en place des centres d’appels en cas de rupture de stock supérieure ou égale à 72 heures chez le répartiteur. « Le grossiste-répartiteur ne peut pas livrer s’il n’a pas le produit. Or ce texte prévoit que le laboratoire livre directement au pharmacien lorsque celui-ci contacte son centre d’appel… Mais s’il a le produit, pourquoi ne nous le livre-t-il pas ? » questionne Emmanuel Déchin. Pour la CSRP, l’enjeu est clair : « il s’agit d’un changement du système de distribution en France. Les laboratoires pourront mettre les produits qu’ils veulent sur le marché, puis assécher un circuit pour livrer ensuite l’officine directement. Ce projet de décret donne la main aux laboratoires sur le pilotage du système de distribution du médicament, qui a pourtant été créé pour garantir au patient l’accès au traitement en toute neutralité », s’insurge Emmanuel Déchin. Et de pointer des incohérences dans le texte : « le grossiste-répartiteur doit mettre à disposition le produit en 24 heures, et même 8 heures le week-end d’après le décret, mais le laboratoire n’a aucune obligation de délai. De plus, le décret vise à nous interdire les exportations parallèles, mais les industriels, eux, ne sont pas soumis à cette interdiction. » La CSRP conteste d’ailleurs le fait que les exportations soient la cause principale des ruptures. « Les exportations représentent moins d’1 % des 30 milliards de chiffre d’affaires réalisés par la répartition. De plus, certains de nos adhérents n’exportent pas du tout et ils ont pourtant les mêmes manquants que les autres », souligne Emmanuel Déchin.
Système à l’américaine
Pour la CSRP, la solution aux ruptures d’approvisionnement serait « de supprimer les quotas et d’appliquer la loi ». Mais elle a le sentiment que son avis « n’est pas pris en compte par les pouvoirs publics. Ils sont en train d’accompagner avec bienveillance les souhaits de l’industrie, sans en prendre conscience », s’inquiète Claude Castells, président de la CSRP. Pour lui, les grossistes-répartiteurs sont les « boucs émissaires », tandis que le décret n’aborde pas du tout la question des quotas. « Il n’est pas prévu de les supprimer », regrette-t-il. En revanche, le texte instaure un contournement des grossistes, qui risque selon lui de mener à une segmentation des produits. « Les produits très chers à distribuer et peu rentables seront donnés aux grossistes, en revanche la parapharmacie ou les génériques seront gérés par des plateformes. Enfin, les produits chers mais intéressants pour les laboratoires seront livrés directement aux pharmaciens, en attendant que la livraison s’effectue au domicile des patients, sans autre intermédiaire…, déplore Claude Castells. C’est le système à l’américaine. » Pour la CSRP, l’enjeu n’est pas économique. Ce qu’elle craint vraiment, c’est que les autorités « soient en train de transmettre le pouvoir aux laboratoires ».
La dernière version du texte sera transmise pour examen à l’autorité de la concurrence, puis au conseil d’État, avant d’être publiée. Cependant, si elle ne parvient pas à se faire entendre, la CSRP promet d’ores et déjà d’utiliser « tous les recours possibles pour défendre la profession ».
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