C’EST L’ACCROCHE commerciale de la rentrée des jardineries : certaines plantes d’intérieur auraient la capacité de dépolluer les pièces, de la maison ou du bureau. On laisse à l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) la responsabilité de briser ce rêve de symbiose : « L’utilisation de plantes en pot n’apparaît pas efficace pour une épuration des volumes d’air dans les espaces intérieurs », indique l’organisme créé en 2001 sous la tutelle des ministères du Logement, de l’Écologie et de la Santé.
D’où vient alors cette croyance pourtant largement partagée ? De l’agence spatiale américaine, la NASA, qui, en quête de solutions pour épurer l’air de ses vaisseaux, demande au chercheur Bill Wolverton d’étudier les potentialités des végétaux vis-à-vis de certains polluants comme le formaldéhyde, les composés organiques volatils (COV) et le monoxyde de carbone. Depuis les années 1980, une centaine d’espèces de plantes ont été étudiées, dont principalement trois familles : les aracées, les araliacées et les agavacées.
De façon consensuelle, tous les travaux menés en laboratoire ont montré que les plantes avaient des capacités intrinsèques à réduire la teneur de certains polluants gazeux. Toutefois, trop peu d’expérimentations ont été menées dans des conditions réelles. De plus, les caractéristiques d’ambiance des milieux intérieurs (mouvements d’air réduits, température constante, faible hygrométrie, luminosité) « ne sont pas propices à optimiser les facultés d’accumulation des polluants par les végétaux », ajoute l’Observatoire. De rares travaux tendent à indiquer qu’à l’échelle de l’habitation, la présence de végétaux peut entraîner une diminution des concentrations en COV. Mais, à moins de transformer la pièce en jungle, les résultats montrent le plus souvent « un rendement très faible au regard des niveaux de pollution rencontrés lorsque les plantes sont utilisées seules ».
Des risques.
A contrario, les végétaux pourraient provoquer, à longue échéance et même si « les impacts sanitaires restent faibles », des phénomènes allergiques tels que de l’asthme, de l’eczéma, de la rhinoconjonctivite, etc. Les plantes les plus incriminées sont les ficus, les cactus de Noël, le poinsettia, ainsi que certaines variétés de primevères et de cyclamens. Par ailleurs, 16 espèces de champignons potentiellement pathogènes ont été isolées dans la terre de plantes en pot, « ce qui impose leur suppression des environnements où séjournent des personnes sensibles ». D’autres problèmes liés à la toxicité des plantes sont plus rarement signalés, comme des ingestions accidentelles chez les enfants ou les animaux : les dieffenbachias, communs dans les intérieurs, sont, par exemple, responsables d’irritations buccales ou de gênes respiratoires.
La piste des plantes dépolluantes n’est toutefois pas à abandonner. Il reste que certains essais réalisés sur des dispositifs dynamiques, avec un passage forcé de l’air au sein du substrat de la plante (système de biofiltration), semblent plus prometteurs : les études doivent confirmer le rendement de ces systèmes en situation réelle. C’est l’un des objectifs du programme Phytair, lancé en 2004 à l’initiative de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et qui prendra fin en 2011.
Mais actuellement, si l’on veut être sûr de diminuer la concentration des polluants dans l’air intérieur, le premier impératif est de « limiter la source des polluants » en évitant de fumer, en limitant l’utilisation de bougies et de désodorisants, en choisissant des produits d’entretien plus neutres, etc. Le deuxième conseil que don?ne Joëlle Colosio, responsable du département Air à l’ADEME, est de ne pas oublier d’ouvrir chaque jour les fenêtres en grand pendant dix minutes environ, même s’il fait froid. « Il faut aérer et ventiler les pièces, en évitant de boucher les entrées d’air et en entretenant son système de ventilation. Ce sont des gestes de base. Les autres systèmes d’épuration ne viendront jamais qu’en complément », affirme-t-elle. Finalement, les jardineries pourraient préférer un argument moins fallacieux mais tout aussi favorable à la présence de plantes dans les espaces clos : elles sont bonnes pour le moral.
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