Une équipe française a mis en évidence le rôle antitumoral majeur des lymphocytes B (LB) : alors que le sarcome des tissus mous est un cancer particulièrement agressif et peu répondeur à l’immunothérapie, un taux élevé de réponse a été observé dans certaines formes de tumeurs riches en LB.
« Nos travaux devraient conduire à un véritable changement dans la prise en charge des patients », indique au « Quotidien » Wolf Hervé Fridman, chercheur INSERM au Centre de recherche des Cordeliers et co-auteur de l’étude parue dans « Nature ».
Les sarcomes des tissus mous (muscles, graisse…) forment un ensemble très hétéroclite de cancers sur le plan histologique. « Dans notre étude, nous nous sommes intéressés non pas aux caractéristiques histologiques de la tumeur, mais à son micro-environnement, et en particulier aux cellules immunitaires qui l’entourent », explique Wolf Hervé Fridman.
Facteur pronostique fort
À partir des données de plusieurs cohortes, les chercheurs ont étudié l’expression génique de 608 tumeurs à l’aide d’une méthode dite MCP counter (pour Microenvironment Cell Populations-counter) : « cette technique permet de quantifier, sur la base de l’analyse génomique, les cellules immunitaires du micro-environnement tumoral », précise le chercheur.
Les données obtenues ont permis de classifier les tumeurs en trois groupes principaux, indépendamment du type histologique : tumeurs pauvres en cellules immunitaires, tumeurs riches en cellules immunitaires, et tumeurs fortement vascularisées avec un niveau intermédiaire de cellules immunitaires.
« Les tumeurs immunologiquement riches étaient associées à une meilleure survie que les autres, résume Wolf Hervé Fridman. À notre grande surprise, ce bon pronostic est fortement associé à la présence de LB, et ce quel que soit le niveau de lymphocytes T (LT) ». Or, ces derniers étaient jusque-là davantage connus pour leur rôle antitumoral et prédictif que les LB.
Rôle des structures lymphoïdes tertiaires
Dans ces tumeurs hautement immunologiques, les LB sont concentrés dans des structures lymphoïdes tertiaires, qui rassemblent également les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) et les LT. Ces structures ne sont quasiment pas retrouvées dans les autres groupes de tumeurs.
En collaboration avec une équipe américaine, les chercheurs français ont eu accès aux données de 47 patients d’un essai de phase II traités par pembrolizumab (un anti-PD1). Ces derniers ont été classés selon les trois groupes précédemment décrits. Un taux de réponse de plus de 50 % a été observé pour les patients ayant une tumeur riche immunologiquement. « De plus, le taux de survie de ces patients était de 40 % à 2 ans, du jamais vu dans le sarcome », s’enthousiasme Wolf Hervé Fridman.
En revanche, chez les patients avec une tumeur pauvre immunologiquement, aucune réponse au traitement n’a pu être observée, et la survie n’excédait pas 8 mois. Dans le groupe des patients dont la tumeur est fortement vascularisée, les résultats sont plus mitigés, avec un taux de réponse de 25 % notamment.
Ces résultats pourraient amener à mieux sélectionner les patients qui pourraient bénéficier de l’immunothérapie. « Nous devons aussi chercher à comprendre pourquoi tous les patients du groupe hautement immunologique ne répondent pas, et quelles sont les spécificités des patients du groupe intermédiaire qui ont répondu », précise Wolf Hervé Fridman.
Un essai clinique en cours
Par ailleurs, deux autres études, une Américaine et une Suédoise, publiées dans le même numéro de « Nature » et menées indépendamment les unes des autres, sont parvenues aux mêmes observations dans le mélanome et le cancer du rein.
En France, un essai clinique prospectif a d’ores et déjà été lancé pour évaluer l’efficacité de l’immunothérapie chez des patients avec une tumeur immunologiquement riche. Coordonné par le Pr Antoine Italiano (institut Bergonié, université de Bordeaux), il devrait inclure plusieurs dizaines de patients.
« Ces découvertes mettent en lumière le rôle des LB et des anticorps et ouvrent la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques », avance Wolf Hervé Fridman. Une des pistes envisagées serait d’induire la formation de structures lymphoïdes tertiaires pour rendre une tumeur hautement immunologique et donc augmenter les chances de réponse à l’immunothérapie.
(1) B.A. Helmink et al., Nature, doi:10.1038/s41586-019-1922-8, 2020.
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