FAUT-IL rappeler qu’un citadin adulte passe 12 à 14 heures dans son habitat, 6 à 8 heures sur son lieu de travail et, seulement, 30 minutes à 2 heures à l’extérieur. On comprend donc que 50 % de la pollution atmosphérique est liée à l’habitat (plus, pour les jeunes enfants, les personnes âgées et/ou les malades) et 30 % se jouent sur le lieu de travail. Ce phénomène étant accru par des bâtiments mieux isolés et une ventilation parfois insuffisante, il a des conséquences sanitaires de plus en plus importantes et, surtout, mieux reconnues.
De multiples polluants.
Les sources de pollution intérieure sont très diverses : matériaux de construction, d’ameublement et de décoration, activités et comportement des occupants (appareils de combustion, animaux domestiques, bricolage, tabagisme), transfert de pollution de l’air extérieur, de nombreux gaz entrants dans l’habitat avec des coefficients allant de 20 % (ozone), à 100 % (N02).
Avec, au total, une multitude de polluants, qu’ils soient biologiques (allergènes, micro-organismes et endotoxines…) physiques (amiante, fibres minérales, radon, champs électromagnétiques…) ou chimiques (CO, CO2, fumée de tabac, NO2, ozone, métaux lourds, pesticides…).
Symptômes non spécifiques et pathologie spécifique.
La pollution intérieure peut générer des symptômes non spécifiques d’origine souvent multifonctionnelle et dont la meilleure illustration est le sick building syndrome, associant symptômes ORL et respiratoires (irritation et sécheresse des muqueuses, toux, souffle court, sifflements…), un malaise général, (fatigue, céphalées, nausées, difficultés de concentration…), des rougeurs et prurits cutanés et des anomalies sensorielles (troubles visuels, perception des odeurs…). Ces symptômes disparaissent quand le sujet quitte le bâtiment malsain.
Plus souvent, on est confronté à des pathologies spécifiques, aux causes multiples :
• infectieuses avec la légionellose (environ 1 000 cas/an), les virus respiratoires, la tuberculose.
• les allergies pouvant se traduire par un asthme, une rhinite, une dermatite, une urticaire. Un problème majeur quand on sait que la prévalence des allergies respiratoires a doublé depuis 20 ans, l’asthme touchant 12,7 % des enfants de 11-14 ans (INSEE Santé 2003).
À ce niveau, l’ennemi numéro 1 sont les acariens qui se multiplient quand la température dépasse 20 °C et l’hygrométrie 60 % (lits, sommiers, jouets en peluche, tapis et moquettes).
Les animaux domestiques représentent le deuxième grand problème : 25 % de la population générale est sensibilisée au chat, 14 % au chien… Le rôle des blattes est moins connu, alors que 10 % des patients consultant en allergologie sont sensibilisés.
Le Dr Squinazi insiste sur la responsabilité des moisissures qui se développent dans des habitats humides (46 % des logements, selon une enquête), trop bien isolés et mal aérés : l’inhalation des spores fongiques peut engendrer des pathologies immuno-allergiques mais aussi infectieuses (aspergillose invasive), toxiques (myco- toxines) et irritatives.
Les polluants physico-chimiques.
La multiplicité des polluants physico-chimiques et des pathologies qu’ils occasionnent ajoute à la complexité du problème, reconnaît le Dr F. Squinazi. À commencer par les particules fines de sources diverses : (tabagisme, cuisson, chauffage, pollution extérieure…) qui diminuent les performances ventilatoires, augmentent la sensibilité aux allergènes, majorent les symptômes respiratoires, et qui peuvent aussi favoriser les troubles du rythme cardiaque et avoir des effets toxiques et cancérigènes. Ne parlons pas de l’amiante, trop célèbre, et de la fumée de tabac environnementale, dont les effets néfastes sont trop connus (le domicile étant, avec la voiture, le seul endroit où il est permis de fumer…). Le CO2 fait également trop parler de lui, pendant l’hiver, avec quelque 100 morts/an, alors que l’on méconnaît les symptômes dus à une exposition chronique (vertiges, céphalées, nausées…).
D’autres polluants sont moins connus : fibres minérales artificielles (laine de verre…) qui irritent la peau et les muqueuses ; NO2 (cuisinières et chauffage au gaz, bois, kérosène) qui exacerbe les symptômes respiratoires et peut provoquer des crises d’asthme, les composés organiques volatiles (matériaux de construction, combustion, entretien, cosmétiques, ameublement, équipement bureautique) ; le formaldéhyde, présent dans de nombreux produits (désinfectants, peintures, produits ménagers, combustion incomplète…) n’est pas seulement irritant et allergisant, il est classé par l’OMS comme cancérigène. Enfin, pour être complet, il faut citer les composés organiques semi-volatils, l’ozone, le radon…
Complexité des contrôles.
Cette longue liste permet de comprendre la complexité de la prévention et des contrôles, explique le Dr F. Squinazi : « Si bien que l’on ne dispose pas de systèmes d’alertes instantanés, comme pour la pollution extérieure. »
Cependant, dans de nombreuses villes, un médecin peut demander un audit environnemental quand il suspecte un lien entre une pathologie et l’exposition aux polluants intérieurs, ce qui aboutit à une métrologie des principaux polluants intérieurs. Pour cela, il faut se poser 10 questions (cf. tableau).
Il reste des conseils simples et essentiels pour améliorer la qualité de l’air : aérer chaque pièce 10 minutes matin et soir, vérifier le bon fonctionnement de la ventilation, préférer le nettoyage humide, entretenir les appareils de combustion et les systèmes de climatisation, surveiller l’état de dégradation des matériaux, limiter l’exposition aux composés organiques volatils.
(2) Directeur des laboratoires d’Hygiène de la Ville de Paris.
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