DIS-MOI qui sont tes amis et je te dirai qui tu es. L'adage dit vrai. On perçoit un peu de ce que nous sommes à travers ceux qui nous sont proches. Parce que nous les choisissons en fonction d'affinités, parce qu'on sent que, ensemble, on peut aller plus loin. Certains sont très entourés, d'autres se contentent d'une poignée d'êtres chers. Il en va de nos vies comme celle des groupements de pharmaciens. Leurs partenariats, hors chaîne du médicament, sont choisis avec soin. Qu'ils soient bâtis de longue date ou tout fraîchement établis.
Depuis la loi de 2002 sur les droits des malades, les associations de patients ont gagné en reconnaissance. Normal qu'elles se connectent aux officinaux, professionnels de santé reconnus. Ce sont les noces « labels ». Entravées dans leur volonté de communiquer, les enseignes trouvent dans ces partenariats un moyen de se mettre en avant, d'affirmer leur image de marque. Leurs acolytes ne sont pas anonymes. Il s'agit bien souvent de poids lourds du milieu associatif, organisateurs de manifestations nationales et médiatiques : Association française des diabétiques (AFD), Vaincre la Mucoviscidose ou Association française contre les myopathies (AFM).
D'autres interlocuteurs des groupements sont directement liés aux affaires, permettant de développer la plateforme de services aux adhérents. Ces derniers bénéficient ainsi d'une assistance juridique, d'un service de rapprochement bancaire, d'un contrat de prise en charge par un assureur… L'effectif des adhérents est souvent mis dans la balance pour les pourparlers. À l’inverse, ce n'est pas un argument restrictif. « Notre rôle est de négocier en faisant valoir les particularités de l'exercice officinal et le savoir faire de l'enseigne. Le fait d'être un groupement, ce n'est pas de peser plus lourd, mais d'être capable de fournir à nos partenaires un cahier des charges précis de nos critères professionnels », souligne Pierre-François Charvillat, directeur général associé de Forum Santé. Pour ces partenaires financiers, le groupement serait donc une ouverture vers l'univers pharmaceutique, dont ils auraient peine à percevoir les codes, les contraintes et les évolutions en cours. Peu importe si l'offre concerne peu de pharmaciens. Par exemple, le service de gestion du tiers payant mis à disposition par Forum Santé n'intéresse que 20 % de ses affiliés.
Critères de choix.
Pour les associations de patients, cela semble plus simple. On est en terrain connu. Les officines et elles ont les patients en commun. Et les opérations collectives sont très bien relayées en pharmacie. Elles s'inscrivent en vitrine ou sur des supports dans l'espace de vente. Pour cela, on a le choix. Certains groupements optent pour une alliance très sélective. D'autres recrutent leurs partenaires tous azimuts. Mais il y a toujours un moment où il faut trancher. « Après plusieurs mois de travail et de rencontres, nous avons opté pour Make a Wish, une association qui réalise les vœux d'enfants malades. Elle est profondément en phase avec le métier, la sensibilité et les valeurs revendiqués par notre réseau », explique Rafaël Grosjean, P-DG de Pharmodel Group. Pour la présidente de Giphar, Brigitte Bouzige, « le choix se fait en fonction de la notoriété et de l'aura du partenaire ». En face, lui aussi a sa stratégie. À la tête de l'AFD, Gérard Raymond fait preuve de sélectivité. Ce qui ne l'empêche pas de garder sa porte ouverte. « C'est une bonne intention si, aux côtés des arguments commerciaux, qu'il ne faut pas négliger, il y a un souci de formation et d'accompagnement sur les pathologies du diabétique. » S'il lui arrive de pourfendre le comportement peu éthique de certains pharmaciens, le président de l'AFD sait qu'il ne peut pas faire sans l'officine. « À elle seule, la consultation médicale ne permet pas le bon équilibre du diabétique. Les pharmaciens peuvent être nos partenaires dans la sensibilisation et la motivation des patients. Leur réseau est très bien organisé et ce sont les seuls acteurs de santé qui accueillent sans rendez-vous », souligne t-il. Les grandes campagnes nationales, c'est bien. Mais c'est encore mieux si leurs messages peuvent être déclinés au comptoir. Pour autant, pas question de tout accepter. « Parfois, on nous propose des projets clés en main, construits de A à Z. Je les refuse. Notre logo n'est pas à vendre. » La règle de l'AFD est d'avoir plusieurs partenariats sur un programme, donc sans exclusive, même si un lien plus approfondi s'est tissé avec le groupement Giropharm.
Incontournables aux yeux des étudiants.
Des alliances multiples et à divers degrés, c'est aussi la ligne de conduite de l'Association nationale des étudiants en pharmacie (ANEPF). Elle traite déjà avec différents groupements (Plus Pharmacie, Univers Pharmacie, PHR, Giphar, etc.). D'autres sont toujours les bienvenus. En échange d'une contribution, le sigle de l'enseigne s'affiche sur les publications estudiantines, apparaît lors de weeks-ends d'intégration ou de manifestations sportives. Mais le lien va bien plus loin que la simple alimentation financière. « Les groupements mènent une réflexion sur l'avenir de la pharmacie. Et ils sont un passage obligé quand on entre dans la profession », reconnaît Mickaël Groult, président de l'ANEPF.
Les groupements ont la côte auprès des étudiants. Parce qu'ils aident à l'achat, à la formation, au concept d'enseigne. Et aussi parce qu'ils s'emparent des grands chantiers professionnels. Ils répondent présents lors de débats organisés par les facultés. Et ils cherchent à séduire de futurs confrères installés (cela leur est parfois reproché), alors que le taux d'officinaux non groupés devient incompressible. « Pour l'heure, on se fait juste une idée. Rien n'est encore signé ! », plaisante Mickaël Groult. Aujourd'hui à la tête du groupe PHR, Lucien Bennatan est un ex-président de l'ANEPF. Il conserve un intérêt pour son ancien engagement. Les partenariats, ce sont aussi des questions d'hommes et d'attachement.
Des mariages et un assortiment.
PHR développe également des liens, épisodiques ou réguliers, avec le monde du sport, notamment à Rouen, berceau du groupe. « Nous privilégions les sports qui ne sont pas centrés sur un seul joueur, mais qui, au contraire, mettent en avant l'esprit d'équipe », confie Lucien Bennatan. Rugby, basket, hockey : il faut faire un « saupoudrage intelligent ». Un mini-budget pour une maxi-visibilité locale. Lors des tournois, des places sont réservées aux pharmaciens. « Quand le nom de l'enseigne est prononcé dans le haut-parleur, ça fait chaud au cœur des adhérents. Ils ne partent pas comme ils sont venus, mais renforcés dans leur choix », considère le président de PHR.
L'appui sincère n'empêche pas d'y mêler le marketing. La participation aux opérations caritatives est parfois combinée à la promotion de produits à la marque du groupement. Par exemple, l'achat d'une boîte de multivitamines de Forum Santé Lab conduit au versement de 0,20 euro à l'association partenaire. Et jusqu'à la fin de l'année, un euro est attribué aux Petits Princes pour la vente d'une eau nettoyante bébé de la marque Plus Pharmacie. Une opération similaire avec le complément alimentaire B.Concept anti-oxydant avait permis de créditer 14 000 euros aux budgets de l'association. Pionnier dans le partenariat caritatif, Plus Pharmacie a régulièrement organisé des soirées de prestige pour récolter des fonds. Le groupe est conscient que l'image globale du pharmacien en sort davantage renforcée que le simple trafic dans les officines à l'enseigne.
Sous le feu de critiques.
L'actualité, c'est le partenariat conclu au printemps dernier entre l'assureur Allianz (ex-AGF) et le Collectif national des groupements de pharmaciens d'officine (CNGPO). Il s'agit de proposer aux assurés une prestation à l'officine, un conseil basé sur une liste de produits et pris en charge par Allianz. Du côté de l'assureur, on ne le cache pas : « Notre intérêt est que la consommation de médicaments se fasse dans les meilleures conditions de sécurité pour les patients. Ceci afin d'éviter les maladies iatrogènes, génératrices de dépenses de santé supplémentaires et non indispensables », expliquent les responsables du partenariat.
Pour les pharmaciens, cette avancée est moins lucrative que politique. Elle ouvre la voie à la rémunération de l'acte de conseil dans toutes les officines. Mais le pacte a ses revers. Il présente quelques difficultés à se mettre en place en pratique. Des pharmaciens se plaignent de retard dans leurs démarches d'adhésion. Le premier assureur européen est un allié de taille, un paquebot qui met du temps à changer de cap. L'information sur ce contrat, en interne, n'est effectuée que depuis quelques semaines. La promotion auprès du grand public tarde à débuter. « Nous ne communiquerons pas en vitrine, mais à l'intérieur des officines, via la mise à disposition de dépliants, avec l'accord indispensable du pharmacien, et en respectant scrupuleusement la réglementation en vigueur », assurent les chargés du dossier chez Allianz. Au sein du CNGPO, la plupart des groupements encouragent l'adhésion des titulaires. D'autres se contentent de ne pas leur donner d'instructions. On estime que, pour le coup, l'assureur est allé un peu vite en besogne, certainement sous la pression de la concurrence. Ainsi, la liste des produits sélectionnés n'a pas pu être communiquée aux adhérents avant le lancement du contrat. Cela pour rappeler que des partenariats de grande envergure ne se font jamais sans achoppements, ni critiques. Sur le fond, François Martial, président de la commission Protection sociale de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), estime que projet est discutable. « Il est dangereux aujourd'hui de laisser nos confrères signer une telle charte de façon individuelle, dans la mesure où on ne connaît pas l'évolution de la relation entre les pharmaciens et l'assureur. » Également dans la ligne de mire du syndicat : le préavis de 3 mois pour sortir du partenariat et le traitement papier des dossiers, trop lourd à gérer. Allianz reçoit cette objection : « Le traitement électronique est un objectif à terme, mais pour informatiser, il est important d'avoir déjà des volumes significatifs. Nous adapterons notre gestion à la montée en puissance du dispositif », précise l'assureur.
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