« En France, des scandales comme celui du Mediator, ont entraîné une crise de confiance vis-à-vis du médicament », rappelle Clément Goehrs, médecin de santé publique. Face à ce constat alarmant, le Forum Santé et Avenir, organisé à Bordeaux les 13 et 14 février par le journal Sud-Ouest, a proposé un atelier sur le thème « Co-construire une information médicamenteuse fiable avec les professionnels, les patients et les acteurs de la e-santé ».
« Nous avons beaucoup de chance d’être en France ; tous les patients du monde n’ont pas accès aux médicaments qui me permettent d’être là aujourd’hui et de vous parler, explique Philippe Gaubert, patient atteint de leucémie lymphoïde chronique, président de la SILLC*. J’ai eu droit à des innovations thérapeutiques qui m’ont sauvé, et fragilisé à la fois. Je garde néanmoins une certaine méfiance vis-à-vis des études cliniques des laboratoires qui ne s’appuient pas assez sur la vie réelle du patient. » En cause, des effets secondaires inattendus ou plus impactants qui affectent l’image des médicaments : « Souvent, les études cliniques sont limitées dans le temps, et certains effets secondaires se manifestent parfois des années après », reconnaît Charlotte Malchère, directrice des affaires publiques chez Sanofi.
Méfiance et fake news
Mais pour ce généraliste girondin, « trop d’information sur les effets secondaires et contre-indications (jadis on ne mentionnait que les effets graves et fréquents) génère méfiance et fake news. Du coup, le 15 est devenu un concentré de iatrogénie ».
Face à cet effet pervers, DP et DMP devraient jouer leur rôle. Mais on en est loin, comme souligne ce patient greffé : « le DMP ? Mon médecin n’a pas le temps de le remplir, mon pharmacien voudrait bien mais il doit gérer une file d’attente, mon laboratoire dit qu’il n’a pas de consigne, bref je me retrouve seul pour dialoguer avec mon DMP. »
Sans parler de nouvelles sources de méfiance : « J’avale 5 médicaments par jour dont 3 vitaux, mais je n’ai pas confiance, explique cette patiente. Je me sens otage quand survient une rupture et que je dois m’approvisionner à l’étranger. »
Comment dans ces conditions faire circuler une bonne information sur le médicament ? Et encore faut-il qu’elle soit accessible : « Quand on est malade, on est fatigué et la documentation des médicaments est souvent trop complexe, regrette Philippe Gaubert. Il faudrait des outils simples. » C’est l’objectif de Synapse ; la start-up co-fondée par Clément Goehrs, propose un assistant virtuel simple (en langage naturel) pour accompagner professionnels de santé ou patients dans le bon usage du médicament (analyse d’ordonnances, information sur effets indésirables, interactions…).
Le retour du pharmacien
Mais au-delà des outils de e-santé, Antoine Prioux, pharmacien d’officine en Corrèze, appelle à un retour du pharmacien d’officine dans un jeu qui lui a échappé : « Dans les années 1980-1990, le pharmacien, gardien des drogues, a abandonné l’expertise critique du médicament aux représentants des laboratoires. Nous nous sommes laissés prendre au jeu de la marchandisation de la santé. Être rémunéré à la boîte pour un patient chronique, ça n’a pas de sens ! Où est le désintéressement de mon serment de Galien ? J’aimerais demain être payé pour les boîtes que je ne vends pas. »
Le retour de la confiance dans le médicament ne pourra pas se passer d’une collaboration plus étroite et transparente entre chercheurs, fabricants, prescripteurs, dispensateurs et patients, dans un système de santé plus préventif. Il y va de l’intérêt de tous.
* Association de soutien et d’information sur la leucémie lymphoïde chronique et la maladie de Waldenström (SILLC).
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