Jean-Marc Lebecque, pharmacien à Marck (Pas-de-Calais), coprésident départemental de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), ne prend pas de gants : il dénonce « une pratique qui s'apparente au compérage », et une possible atteinte à l'article L1110-8 du Code de la santé publique qui impose le libre choix de son praticien aux patients. La lettre est adressée à Patricia Ribaucourt, directrice régionale de Filieris, ex-Carmi, le service de santé des mines. La cause de sa colère vient d'une boîte aux lettres et d'affiches incitant les affiliés Carmi à y déposer leurs ordonnances avant d'être livrés à domicile par une autre pharmacie Carmi. Celles-ci sont apparues après la fermeture, le 1er octobre dernier, de l'officine Carmi d'Avion (Pas-de-Calais).
Une fermeture attendue
L'agonie des pharmacies du régime minier n'en finit pas (voir « Le Quotidien » des 17 mai 2010, 19 mars 2011, 17 septembre 2013 et 3 mars 2016). Les puits avaient commencé à fermer dès les années 1960, le dernier des 852 puits du Nord Pas-de-Calais, à Oignies, a fermé en 1990. Le régime de santé des mines avait été créé en 1946, il concernait alors 700 000 mineurs, 1,2 million d'affiliés. Il restait 65 000 affiliés en 2009, les effectifs baissant de 6 % à 7 % par an, 12 % en 2017, selon Filieris.
La fermeture de la pharmacie d'Avion était donc attendue. Filieris insiste beaucoup sur le portage des médicaments et justifie la collecte des ordonnances dans ses centres de santé en s'appuyant sur le fait que les plus proches pharmacies Carmi sont à Lens et à Sallaumines, interprète Thierry Boucher, titulaire à Avion. « Mais il existe trois autres pharmacies sur le boulevard Gabriel-Péri, à Avion, celui-là même où se trouvait la pharmacie Carmi », s'insurge Eric Bot, pharmacien à Loison-sous-Lens, chargé du dossier par le syndicat. Trois officines, mais libérales.
Le problème n'est pas mince pour les libéraux car on ne trouve plus qu'une pharmacie Carmi dans le Nord, mais 80 sites Filieris (centres de santé, infirmiers, EPHAD, etc.), six pharmacies et 48 sites dans le Pas-de-Calais. Et combien de prescripteurs ? Aujourd'hui, même des personnes non affiliées fréquentent les dispensaires Carmi, faute de médecins de ville.
Filieris a répondu à Jean-Marc Lebecque affirmant que l'affichage contesté n'avait plus court, remplacé par un affichage en faveur du libre choix. Et la directrice en a profité pour rappeler l'attitude équivalente de pharmaciens libéraux, en 2011, quand avait été proposée la bilatéralité, la possibilité pour des non affiliés d'être servis dans des pharmacies Carmi, puisque l'inverse existait déjà. Une atteinte au quorum, avaient alors dénoncé les pharmaciens libéraux.
Le portage reste, assurent les responsables syndicaux. « Ce qui est très mauvais pour leur bilan carbone, raille Eric Bot. Des patients qui peuvent aller à pied à une officine libérale, seront servis par une camionnette ! » « On va calmer le jeu, assure Thierry Boucher. Mais rester vigilants ! »
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