Un moyen écolo pour lutter contre les papillons

Les ailes du désir

Publié le 19/04/2010
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C’EST à une bien étrange opération que viennent de se prêter les viticulteurs champenois de la « côte des blancs », prestigieux terroir situé au sud d’Epernay. Pendant plusieurs jours, une centaine d’entre eux ont arpenté quelque 800 hectares de vignes pour y disperser une pluie de capsules. À l’intérieur, des phéromones sexuelles. Pas de n’importe quelle espèce, puisqu’il s’agit de celles émises par les femelles d’un papillon nocturne, le cochylis. L’objectif de l’opération : saturer l’air avec la substance pour attirer les mâles. L’abondance de message chimique les appelant à l’amour, leur fait tourner la tête : complètement désorientés, ils finissent par s’épuiser, puis parfois décéder sans avoir pu rencontrer leur dulcinée. Aimer à en perdre la raison.

Bien loin d’un acte de torture, cette technique, appelée « confusion sexuelle », sert avant tout à limiter la reproduction de ces papillons. Car, derrière leurs fragiles ailes, les cochylis se révèlent être de véritables prédateurs pour la vigne. La larve issue de leurs galipettes, dénommée « vers de la grappe », se loge dans le raisin pour en dévorer le grain, favorisant ainsi le développement d’un autre parasite, le botrytis, ce champignon à l’origine de l’implacable pourriture grise. En résumé : pas d’accouplement, pas de ponte, pas de dégâts pour les vignes. On comprend mieux l’enthousiasme de ces vignerons semeurs de capsules. Car, en plus d’être naturelle, la méthode est efficace. « On limite ainsi de près de 70 % la population des papillons, soit autant qu’avec un traitement phytosanitaire classique », indique Pierre Larmandier du Syndicat général des vignerons (SGV). Et ça dure longtemps. « Le procédé exige de la main-d’œuvre, mais une fois mis en œuvre, l’effet dure toute la saison alors qu’il faut renouveler les traitements chimiques qui sont en plus nocifs pour l’environnement comme pour les vignerons », explique le représentant du SGV. Pas sûr que les papillons morts d’ivresse amoureuse aient apprécié l’argument écolo.

CHRISTOPHE MICAS

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2743