LE PROJET DE LOI « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites », porté par Marisol Touraine, a été adopté par l’Assemblée nationale la semaine dernière. Il arrive en discussion au Sénat cette semaine, pour une adoption définitive prévue le 5 novembre. Jusqu’à présent, il a rencontré peu d’écho dans l’opinion, tant les mesures proposées pour remédier aux difficultés présentes et à venir des régimes de retraite par répartition semblent prudentes (voir encadré).
Mais chez les représentants des caisses de professions libérales, c’est le tollé : l’article 32 du projet propose en effet, ni plus ni moins, de nommer le directeur de la CNAVPL, qui regroupe dix sections professionnelles (pharmaciens, médecins, dentistes, auxiliaires médicaux, etc.), directement par l’État, à partir d’une liste de trois noms que celui-ci aura présentée. Ce ne serait donc plus, comme aujourd’hui, le représentant d’une profession libérale qui gérerait la Caisse nationale de retraite des libéraux, mais très probablement un fonctionnaire, désigné par les pouvoirs publics. Inacceptable pour les représentants de la CNAVPL (voir l’entretien ci-dessous). Il faut le rappeler, en effet : depuis plus de soixante ans, la CNAVPL est administrée par un conseil d’administration composé des présidents des dix sections professionnelles, tous professionnels libéraux. Si l’article 32 du projet de loi était adopté, c’en serait fini de son autonomie et, très certainement aussi, de celle des dix sections professionnelles de libéraux. À terme, la Caisse de retraite des pharmaciens, comme celle des médecins ou celle des vétérinaires, risquerait donc de ne plus pouvoir être dirigée par un membre de sa profession.
Étatisation de fait.
Cette « reprise en main par l’État » des caisses de retraite des professions libérales est vigoureusement dénoncée par l’UNAPL, qui y voit « une étatisation via la mise sous tutelle de la CNAVPL par l’État, et la disparition programmée des spécificités de chaque profession par la mise sous tutelle des sections professionnelles par la CNAVPL ». On peut d’ailleurs s’interroger sur la finalité d’une telle démarche, dont le gouvernement n’a même pas pris la peine de discuter avec les intéressés. Car le régime de retraite des libéraux, depuis longtemps, montre la preuve de son efficacité et de ses performances. Pour preuve, les différents régimes complémentaires sont équilibrés pour les trente prochaines années, et les dix sections professionnelles disposent aujourd’hui, au total, de quinze milliards d’euros de réserves financières.
Or c’est sans doute là l’une des clés de ce bouleversement redouté : ces réserves pourraient être utilisées pour financer des régimes déficitaires, pour lesquels des mesures de redressement n’ont pas été prises. Certes, l’État ne peut pas s’approprier du jour au lendemain les réserves accumulées. Et les six milliards d’euros du régime complémentaire de capitalisation des pharmaciens ne sont pas en cause : il s’agit de provisions sur engagement qui ne peuvent être expropriées. Mais on peut très bien imaginer des procédures de mutualisation des réserves entre régimes, des versements ponctuels vers d’autres régimes, etc. Ce n’est pas seulement, hélas, une hypothèse : une reprise en main de régimes de retraite autonomes a déjà eu lieu dans d’autres pays, comme l’Irlande ou la Hongrie, par exemple.
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