Comme Mme Pelosi, on peut donc parler de procès historique. L'objectif des démocrates n'est pas de gagner les élections générales de novembre prochain en obtenant la disparition politique de leur épouvantail, mais de faire la vérité sur une série d'actes qu'il a commis, en particulier le chantage qu'il a exercé sur le président ukrainien au mois de juillet dernier en conditionnant une aide militaire à son pays à une enquête de la justice ukrainienne sur le fils de l'un des principaux compétiteurs, l'ancien vice-président Joe Biden, actuellement candidat à l'investiture démocrate. Trump s'est battu avec toute la rage que la procédure démocrate lui inspire, en menaçant de ses foudres les congressistes, notamment Mme Pelosi, mais aussi les sénateurs républicains qui feraient mine de se montrer objectifs en la matière.
Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a d'abord laissé entendre que de toute évidence ses collègues ne feraient rien sans d'abord informer le président et qu'ils travailleraient en coopération avec lui. Mais bien sûr, il y a des limites aux coups qu'un élu fédéral peut porter à la loi fondamentale, qui a prévu ce cas de figure, déjà appliqué trois fois contre Jackson, Nixon et Clinton. M. Nixon a démissionné pour s'éviter la honte d'une destitution, M. Clinton a trouvé une majorité démocrate au Sénat pour l'acquitter, ce qui lui a permis de terminer son mandat, le second en l'occurrence.
Trump bout de rage
M. Trump est dans un état d'ébullition avancé. Cependant, il compte bien sur la majorité républicaine et il a raison. Les républicains ne l'ont accueilli en leur sein qu'à contre-cœur, mais quand ils ont vu que leur position élective serait menacée s'ils se montraient insensibles à son influence, ils ont rejoint son camp, tombant dans ses bras avec la lâcheté que dicte l'intérêt personnel. Dans ces conditions, à quoi sert ce procès hors normes mais voué, semble-t-il, à l'échec ? D'abord à respecter la constitution américaine, fort malmenée par Trump depuis qu'il est entré à la Maison Blanche, ensuite à démontrer aux électeurs qu'ils commettraient une faute en votant pour lui en novembre 2020. Ce calcul vaut ce qu'il vaut : ceux qui ont élu Trump en 2016 forment un noyau indestructible de quelque 42 % des électeurs et résistent comme un seul homme aux informations sur ses agissements, étant entendu que, dans un pays gagné par le populisme et la démagogie, la vertu n'a rien à voir avec un président qui a complètement résorbé le chômage et assuré une croissance enviable.
La confusion de l'électorat, partagé entre une gauche très active mais peu soucieuse de sa crédibilité et une droite vulnérable à tous les excès de la démagogie et aux fausses nouvellles répandues par les officines de Trump, ne facilite pas les pronostics. La pression médiatique sur Trump va être énorme ; journaux et chaînes de télévision se concentreront sur les débats du Sénat qui ne laisseront personne insensible. Il faut savoir que quand l'impeachement a été décidé par la Chambre, les télévisions ne parlaient que de ça jour et nuit. Dans le cas de Nixon, les républicains l'ont défendu jusqu'au moment où, comprenant que la description de son caractère et de ses agissements correspondaient à une vérité à la fois déplorable et incontestable, ils ont fini par le lâcher. Car il y a du péril à attaquer un Trump cynique, il y en a aussi à s'opposer à la simple application du droit, y compris et surtout en politique.
Joe Biden, pour sa part, est probablement satisfait des malheurs de Donald. Les sondages lui accordent une bonne avance, malgré son âge et une éloquence médiocre, mais il est l'incarnation de la majorité silencieuse, ce centriste qui a été vice-président pendant huit ans et qui en sait plus sur son métier que tous ceux, hommes et femmes, qui croient leur heure venue, mais dont les idées sont plus européennes qu'américaines et parfois trop à gauche pour un peuple libéral, ce qui fait de certains candidats des amateurs.
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