Les spécialistes de l'extrême droite expliquent l'attitude du RN et singulièrement de Marine Le Pen, dont la logorrhée haineuse a été multipliée par deux depuis le début de la crise, par ce qui fait sa force intrinsèque : elle ne rentre jamais dans le rang, même si elle semble ainsi desservir les intérêts du pays, parce qu'elle pense que les distances qu'elle prend avec la majorité et avec les autres partis d'opposition lui confèrent un style unique qui convient à ses électeurs. L'autre argument qui milite en faveur de son isolement, c'est qu'elle peut prétendre, aujourd'hui plus que jamais, qu'elle a eu toujours raison : mondialisation dévastatrice, Europe désunie et impuissante, fermeture des frontières que Marine n'a cessé de proposer, bref ce n'est pas au moment où les faits semblent vérifier les thèses de l'extrême droite que celle-ci va commencer à faire des calins à Macron.
Cependant, le RN prend ainsi un risque : ses adhérents aussi sont exposés à la contagion et ils peuvent se demander si nuire à la cohésion nationale en pareille tempête ne menace pas leur santé. Ils pourraient s'indigner, pour cette occasion exceptionnelle, du cynisme de Mme Le Pen, mais ils y sont habitués. Ce n'est pas sa méthode qu'ils contestent, ce peut être les fruits amers qu'elle est capable de produire. Ils voient en outre que les sondages d'opinion indiquent une remontée sensible de la cote de popularité d'Emmanuel Macron et de son Premier ministre. Tous les efforts du RN sont concentrés sur la nécessité vitale d'empêcher que les Français se rassemblent autour du pouvoir pour mieux combattre le danger épidémique. Ce serait, pour le Rassemblement national, une faute stratégique de freiner ses attaques contre Macron.
Marine veut gagner le second tour.
À noter que, dans les propos virulents de Marine Le Pen, qui, par ailleurs a toujours nié qu'elle eût un ennemi électoral unique, on décèle la confirmation du stratagème : affaiblir Macron au point qu'il perde au second tour de la présidentielle. Virus ou pas, ce n'est pas le moment d'accorder au pouvoir en place le moindre répit. Le tir de barrage du RN choque ceux qui croient que l'épidémie exige un minimum de cohésion nationale. Mais l'extrême droite a toujours fonctionné de la sorte, en déversant une avalanche d'injures sur ses ennemis, qu'ils soient ou non au pouvoir, en les calomniant jour après jour et en niant les faits qui contredisent leur thèse. Donc, le RN est fidèle à lui-même. Il n'est même pas intéressé par la tactique des autres oppositions, qui consiste à laisser passer l'épidémie et à régler ensuite ses comptes avec le pouvoir.
Les mêmes oppositions n'ont cessé de dénoncer le phénomène décrit ci-dessus, cette guerre exclusive entre la majorité et le RN aboutissant forcément à une explication au second tour, mais Macron a le droit, aujourd'hui, de se jurer innocent. Ce n'est pas lui qui favorise le RN au détriment des autres partis. C'est le RN qui est si fasciné par l'homme qu'il veut abattre qu'il n'a plus les autres forces politiques dans son champ de vision. Bien entendu, la remontée de la droite classique va coûter à la majorité actuelle et participera, elle aussi à l'affaiblissement du président actuel. Il est donc regrettable que les Républicains contribuent, par leur dénigrement du pouvoir, au renforcement de Marine Le Pen. Sans doute espèrent-ils rebondir si haut qu'ils deviendraient le premier parti de France. Mais rien n'est moins sûr. Droite et gauche font en ce moment le jeu de l'extrême droite. Il n'est plus embarrassant pour personne, désormais, de voter pour Marine Le Pen. Au second tour, il faudra, pour l'écarter, un candidat particulièrement costaud.
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