LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Quelles étaient vos motivations pour prendre la présidence du LEEM ?
HERVÉ GISSEROT.- Je suis convaincu que les pouvoirs publics et les acteurs du système de santé sont à l’heure des choix. Et, dans mon esprit, les industriels font bien évidemment partie de ces acteurs. Il est désormais essentiel d’entraîner et de fédérer les acteurs pour que le secteur de la santé puisse franchir avec succès les obstacles qui se dressent sur le chemin de sa mutation profonde et sans précédent.
Comment entendez-vous concilier des intérêts divergents ?
Le monde extérieur doit toucher du doigt que le LEEM, dans sa diversité, est une organisation professionnelle unie et à même de défendre aussi bien les intérêts des acteurs de l’innovation que ceux de l`automédication ou du générique. Car chacune de ces familles de pensée, chacun de ces métiers participe à la richesse de notre secteur et à sa valeur ajoutée. En m’appuyant sur nos adhérents, j’entends donc faire entendre la voix de notre organisation professionnelle, expliquer les défis à relever, partager nos propositions et orientations aux pouvoirs publics afin qu’ils puissent trouver le juste chemin entre les contraintes budgétaires, le nécessaire progrès thérapeutique et l’attractivité du pays dans le domaine des sciences du vivant. Si votre question porte également sur les intérêts divergents que peuvent parfois porter les différents acteurs du système de santé, ma philosophie à cet égard est claire : à l’heure des choix, il nous faut savoir transcender les stricts intérêts corporatistes des uns et des autres et mobiliser les corps constitués de la société civile afin d’ébaucher ensemble les pistes et solutions qui permettront de pérenniser notre système de santé.
Les patients peuvent-ils vous aider à atteindre cet objectif ?
Il est urgent de rapprocher le LEEM des citoyens. D’où la nécessité de s’inscrire dans une démarche d’ouverture et de montrer qui sont réellement les industriels du médicament : des entrepreneurs responsables et des acteurs de santé. Je souhaite aussi renforcer la culture de l’amélioration continue de nos pratiques et m’inscrire dans une logique de qualité permanente de l’information dispensée sur nos médicaments afin d’assurer au mieux la sécurité des patients. Enfin, il me semble important de porter nos messages de façon moins technocratique, plus proche, plus humaine, car nous parlons de sujets qui, pour la plupart d’entre eux, concernent nos concitoyens intimement.
Quels sont les autres grands axes de la politique que vous entendez mener pendant votre mandat ?
Trois maîtres mots guideront mon action : la confiance, la cohérence et la compétitivité. La confiance est un préalable indispensable au rétablissement d’un dialogue apaisé et responsable avec les pouvoirs publics et, plus généralement, la société. Cet objectif s’inscrit comme le corollaire indispensable de la cohérence et de la lisibilité de l’action publique dont nos entreprises ont besoin pour porter l’ambition de la France dans les sciences du vivant, et pour soutenir l’emploi et l’innovation dans le pays. Enfin, si la France veut véritablement restaurer sa compétitivité au plan international, elle doit s’attaquer de front aux problématiques de régulation, d’évaluation, d’accès des patients à l’innovation, et d’efficacité administrative.
Comment entendez-vous démontrer le caractère prioritaire des industries de santé ?
Je suis convaincu que les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, sont déjà convaincus que le secteur des industries de santé est stratégique. Il reste du travail en revanche pour leur faire comprendre qu’un secteur stratégique doit bénéficier de politiques publiques cohérentes traduisant cette priorité ou cette volonté. Or les décisions prises ces deux-trois dernières années n’ont en rien contribué à réconcilier le court, le moyen et le long terme. Bien au contraire ! Nous ne pouvons pas continuer à vivre une totale déconnexion entre les politiques publiques dites d’attractivité portées par le CSIS et le Comité de filière et faire face, à chaque automne, à des PLFSS de plus en plus « meurtriers » avec des politiques de régulation à court terme qui considère le secteur comme la principale variable d’ajustement budgétaire.
Quels moyens allez-vous mettre en œuvre pour que les industriels soient considérés comme de véritables acteurs du système de santé ?
Replacer le secteur de la santé au centre de la société nécessite de mettre, sans tabou et sans crainte, tous les sujets sur la table. À défaut, les industriels ne pourront pas retrouver la légitimité nécessaire pour discuter. Or, sans prétendre détenir la vérité, nous pensons posséder une certaine expertise qui mérite d’être considérée. C’est pourquoi le LEEM s’emploie à apporter dans le débat public des données précises, documentées et objectivées.
Est-ce réaliste à l’heure où la crise impose des coupes budgétaires ?
Oui ! Nous sommes confrontés à un impératif budgétaire sans précédent. Mais les contributions de notre secteur sont aujourd’hui très clairement disproportionnées en comparaison de notre poids dans les dépenses. Dans le même temps, le chiffre d’affaires en prix industriel du médicament de ville est en forte régression avec - 5,5 % pour le dernier quadrimestre 2012. Il faut être clair ! Nous ne pourrons pas continuer de supporter, en 2012, une involution du chiffre d’affaires généré en ville de l’ordre de - 3,3 % quand dans le même temps l’hôpital public affiche une croissance de + 4,5 %.
Est-il envisageable de réaliser de nouvelles économies sur le médicament ?
Il est bien évident que le médicament doit contribuer à l’effort général et tendre vers plus d’efficience, mais il ne peut à lui seul porter le poids des économies en l’absence des nécessaires réformes structurelles… D’où l’intérêt d’un véritable débat de société pour définir comment pérenniser le financement de notre système de protection sociale. Faute de regarder le système de santé dans sa globalité et de rechercher les multiples gisements de productivité, la prise en charge de nos concitoyens ne pourra qu’aller en se dégradant dans les prochaines années ! Les industriels du médicament doivent donc focaliser tous leurs efforts sur la juste prescription et le bon usage du médicament. C’est-à-dire qu’il soit utilisé à bon escient afin que la dépense médicament soit un investissement et non pas simplement un coût pour la collectivité. C’est à la fois notre rôle et notre responsabilité.
Ceci peut-il suffire à redorer le blason de l’industrie pharmaceutique ?
Je veux d’abord souligner que notre image est bien meilleure que l’on veut bien le dire, et que les Français ont une opinion plus nuancée des choses : selon l’Observatoire sociétal du médicament 2013, 60 % des Français ont confiance dans les industriels du médicament, et notre secteur arrive en seconde position, derrière le bâtiment, parmi neuf autres secteurs « testés » par IPSOS. Ce regard plutôt positif de nos concitoyens est, pour autant, sans concession vis-à-vis de nos entreprises, qu’ils considèrent aussi comme des acteurs privés soucieux de faire du profit. Nous réussirons à améliorer la perception que chacun a de l’industrie du médicament en expliquant, en toute transparence et en toute simplicité, que la recherche de rentabilité, inhérente à toute entreprise, permet de soutenir le progrès thérapeutique et ne vient en rien contredire l’absolue priorité que représente la sécurité d’utilisation de nos médicaments.
Quel impact la suppression de la vignette aura-t-elle pour les industriels du médicament
?
La suppression de la vignette implique de nombreux changements : disparition des données économiques inscrites sur le conditionnement au profit d’une base de données unique, mise en place d’un ticket Vitale plus lisible, édition d’un plan de posologie par le pharmacien… Dans la mise en place de ce nouveau système, les industriels ont toujours réclamé du pragmatisme, et des solutions eurocompatibles qui n’impliquent pas d’investissements coûteux injustifiés. Nous serons donc particulièrement attentifs à ce que l’accès au marché des nouveaux produits ne soit pas pénalisé par des problématiques de publications de variations de prix et d’écoulement de stocks engendrés par la suppression de la vignette.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion