M. POUTINE a publié jeudi dernier dans « le New York Times » une tribune dans laquelle il se contente, dans un langage aimable, de montrer que les Américains et les Européens se tompent sur toute la ligne à propos du régime de Damas. Il réaffirme, contre des preuves pratiquement impossibles à réfuter, que ce sont les insurgés syriens qui ont utilisé des armes chimiques. Il préjuge donc du résultat de la négociation qu’il vient d’ouvrir à Genève avec les États-Unis : si Bachar Al-Assad est « innocent », qualificatif absurde pour un dictateur qui a déclenché une guerre civile ayant causé la mort de 100 000 civils et l’exil de 2 millions de ses concitoyens, pourquoi devrait-il détruire des armes chimiques qu’il n’est pas seul à détenir dans le monde ? M. Poutine dénonce la brutalité des « États-Unis », comme si lui, ce saint homme, ne truquait pas les élections, n’éliminait pas ses opposants en les envoyant en prison, n’avait pas résolu la crise de Tchétchénie en y faisant tuer près de 100 000 civils, ne se nourrissait pas de la corruption, n’éprouvait aucune honte à soutenir un régime syrien qui bat des records de cruauté et de sadisme.
Bien et mal.
Il envoie un message au monde : la notion de bien et de mal est floue. Bachar est un criminel, mais les rebelles syriens seraient pires que lui, d’autant qu’ils emploient des armes chimiques n’est-ce pas ? L’Amérique et l’Europe ne font que défendre leurs zones d’influence au détriment des peuples arabes. Peu importe qu’elles combattent, comme lui, le djihadisme. Elles utilisent la force pure et ne poursuivent que leur intérêt. Par comparaison, la Russie est un pays idyllique qui a, en quelque sorte, réformé la démocratie, ou en a inventé une autre, celle qui s’agglomère autour d’un homme fort (comme lui, Poutine) et qui, pour s’épanouir, s’appuie sur des stratagèmes machiavéliques, comme la fleur pousse sur le fumier. Cet homme-là est dangereux, car il prétend offrir un autre modèle susceptible de séduire les anti-américains de tout bord, à commencer par les Égyptiens qui, ayant procédé à un coup d’État militaire pour arracher le pouvoir aux islamistes, ne digèrent pas l’analyse qu’en fait le Département d’État ; lequel constate, bien malgré lui, les failles de la révolution arabe.
M. Poutine trouve en France des gens qui le désapprouvent guère, comme Dominique de Villepin, dont l’anti-américanisme viscéral se teinte maintenant de sympathie pour le président russe. L’ancien Premier ministre et ancien pourfendeur de l’intervention militaire américaine en Irak continue, avec d’autres, en France, en Europe et à l’ONU, à réclamer des négociations de paix, bien qu’elles aient déjà échoué et que les frappes contre Damas aient été envisagées précisément parce qu’il n’y avait aucune ouverture diplomatique possible. Voilà que M. Poutine apparaît soudain pour nous dire qu’elle existe, mais il n’a pas plus tôt accompli son coup de théâtre qu’il pose ses conditions. Avec lui, on peut négocier sur la base du maintien de Bachar au pouvoir et de l’usage par les insurgés des armes chimiques. Il a pris un avantage dans le match et il veut le pousser. S’il parvient à ses fins, il s’empressera de démontrer que, décidément, le système russe est le meilleur du monde et que nous devons tous adopter les valeurs du poutinisme.
Ni François Hollande, ni Barack Obama, heureusement, ne sont dupes ni inconscients de la manœuvre à laquelle se livre le président russe. Mais s’il s’en tient au contenu de son article dans « le New York Times », la négociation aboutira à un désaccord et le problème de l’intervention militaire restera entier. M. Poutine dira alors que nous préférons la guerre à la paix et que nous ferions mieux de combattre l’intégrisme par dictateurs interposés. C’est mal parti. Le sentiment de l’opinion mondiale est que les frappes contre la Syrie ne sont plus à l’ordre du jour. Il sera presque impossible de les envisager de nouveau. Poutine a déjà gagné la partie.
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