« LE CORTEX entorhinal et sa structure adjacente, l'hippocampe, hébergent les circuits cérébraux indispensables pour former un nouveau souvenir, explique au " Quotidien " le Dr Mark Tuszynski, professeur de neurosciences à l'université de San Diego (La Jolla). Une fois l'information apprise, elle est transférée vers d'autres régions cérébrales, où elle est stockée. Mais l'apprentissage initial d'une nouvelle information factuelle ou d'une expérience (par exemple, où sont mes clés, quel rendez-vous ai-je aujourd'hui) requiert le cortex entorhinal et l'hippocampe. Or, le cortex entorhinal est l'une des premières régions cérébrales à dégénérer dans la maladie d'Alzheimer et ceci explique pourquoi le symptôme cardinal est la perte de la mémoire à court terme ».
Le BDNF (brain-derived neurotrophic factor), une protéine neurotrophique, est produit dans le cortex entorhinal où il agit à travers son récepteur TrkB. Il est transporté de manière antérograde dans l'hippocampe, où il influence la plasticité neuronale.
Puisque ses concentrations déclinent localement durant la maladie d'Alzheimer, l'équipe de M. Tuszynski a voulu déterminer si l'administration de BDNF pouvait améliorer la neurodégénérescence. Leurs travaux menés sur plusieurs modèles animaux de maladie d'Alzheimer montrent des effets neuroprotecteurs, avec extension des bénéfices thérapeutiques à l'hippocampe.
Ainsi, chez la souris amyloide-transgénique (portant le gène APP muté humain), l'injection du gène BDNF (via vecteur lentiviral) dans le cortex entorhinal, une fois la neurodégénérescence entamée, inverse la perte synaptique, normalise partiellement l'expression génique anormale, améliore le signal cellulaire et restaure l'apprentissage et la mémoire. Ces améliorations surviennent alors que le traitement n'affecte pas la densité des plaques amyloïdes.
De plus, chez les rats âgés, modèles de déclin de la fonction cognitive lié à l'âge mais non à la mort neuronale, l'administration de BDNF dans le cortex entorhinal inverse le déclin cognitif, améliore les perturbations de l'expression génique dues à l'âge et restaure le signal cellulaire.
Enfin, chez les rats et les singes adultes soumis à des lésions (par section ou radiofréquence) induisant la mort de 20 à 45 % des neurones de la couche II du cortex entorhinal, l'injection du gène BDNF permet de prévenir une grande partie de la mort neuronale. Par ailleurs, chez les singes âgés, l'injection du gène BDNF inverse l'atrophie neurale et améliore le déficit cognitif lié à l'âge.
Augmente les synapses.
« Globalement, ces résultats indiquent que le BDNF exerce des effets protecteurs importants sur le circuit neuronal crucial impliqué dans la maladie d'Alzheimer, qui opèrent à travers des mécanismes indépendants de l'amyloïde, concluent les chercheurs. De plus, l'administration du BDNF dans ces modèles animaux stimule la fonction des neurones et augmente les synapses entre les neurones touchés par la dégénérescence. Nous avons donc une nouvelle approche thérapeutique potentielle, qui prévient la mort cellulaire et stimule la fonction neuronale, à travers une voie distincte des autres thérapies de la maladie d'Alzheimer actuellement évaluées en essais cliniques. La thérapie BDNF pourrait être associée à d'autres traitements. »
« L'effet du BDNF dans ces modèles animaux est puissant, souligne le Dr Tuszynski. Je ne connais pas d'autres thérapies qui préviennent autant la mort des neurones et stimulent aussi bien la connectivité cérébrale… Il est donc important de cibler le cortex entorhinal et l'hippocampe précocement pour prévenir la progression de la maladie et protéger la mémoire. Nous avons soit injecté la protéine BDNF dans la région cérébrale, soit utilisé des vecteurs de thérapie génique pour délivrer le facteur de croissance. Dans les études en cours, nous utilisons la thérapie génique car, à ce jour, elle est sûre et permet d'exprimer longtemps le facteur de croissance dans le cerveau. La thérapie génique est actuellement utilisée dans 5 essais cliniques concernant d'autres maladies neurologiques. Nous en conduisons actuellement des études d'innocuité à long terme avec le BDNF chez l'animal. Si elles montrent l'innocuité, nous pensons que des essais humains pourraient commencer dans 2 ans environ ».
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