L’IRRUPTION de l’ouragan Sandy dans la campagne, à quelques jours à peine de la consultation, a supprimé toute argumentation sur les programmes. On n’en est plus à rappeler les mérites respectifs des candidats, mais à évaluer leurs chances. Une conversation interminable d’exégètes prestigieux a tenté d’évaluer l’impact de la tempête sur le comportement électoral, sur le présidentialisme de Barack Obama pendant la crise causée par Sandy, sur le profit qu’il pouvait en tirer dans les urnes, et inversement sur ce que l’événement a pu coûter à Mitt Romney, sur les chaleureux remerciements que Chris Christie, le gouverneur républicain du New Jersey, ex-candidat à l’investiture de son parti, a adressés au président, sur le ralliement à M. Obama du maire de New York, Michael Bloomberg. On avait dit, en France, à propos de l’affaire Merah, qu’elle avait renforcé la position de Nicolas Sarkozy à quelques semaines du scrutin présidentiel : il a quand même perdu.
Mais l’Amérique n’est pas la France et la télévision, aux États-Unis, n’a pas son pareil pour engloutir le débat idéologique dans des considérations de midinette. Barack Obama, incontestablement, souffre beaucoup aujourd’hui de ses hésitations à trancher dans le vif, de s’être cru obligé de se recentrer, sous la terrible pression du Tea Party et de congressistes républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, voués à sa perte, de l’intolérance de racistes déguisés en victimes, et, sans doute, de l’arrogance qu’il a acquise en s’inscrivant d’emblée dans l’élite intellectuelle et, malgré la simplicité de ses manières, d’y trouver beaucoup de confort.
Voilà pour les détails. Pour le fond, il devrait être condamné par la crise économique et sociale qui a emporté pratiquement tous les candidats sortants. À la fin des fins, les électeurs américains ne demandent pas autre chose que des emplois et que les banques cessent de les évincer de leurs maisons. Le travail de M. Obama a été utile, le chômage diminue, mais pas suffisamment. C’est là-dessus qu’il perdra peut-être. Ou encore parce que, une fois au pouvoir, il a acquis une étrange sagesse qui peut lui être fatale : il ne semble pas considérer qu’une défaite serait intolérable pour lui, il donne l’impression que, au fond, il n’a pas tellement envie de gagner. Là-bas, comme ici, c’est une faiblesse mortelle.
Ses électeurs sont ses victimes.
Le problème qui en résulte n’a rien à voir avec la tristesse que la France et l’Europe éprouveraient si le président n’obtenait pas un second mandat. Il concerne Mitt Romney. Il n’est pas seulement le candidat de la droite, conservateur et républicain. L’idée qu’il serait compétent parce qu’il a fait gagner beaucoup d’argent à Bain Capital est tout simplement grotesque. C’est un Tapie multiplié par dix, qui achetait des entreprises pour en licencier le personnel et les revendre avec un profit. Ceux qui se sont ralliés à lui sont pourtant ses victimes. Politiquement, il a été d’abord le candidat de la droite extrême, poussant la rigueur idéologique jusqu’à s’aliéner des pans entiers de l’électorat : les immigrés, parce qu’il approuve les mesures les plus sévères pour en diminuer le nombre, donc les Latinos, et aussi les Noirs, qui ne semblent d’ailleurs pas tous comprendre qu’Obama est leur seule option, les femmes, que Romney privera de leurs libertés nouvelles en matière de contraception et d’avortement, les pauvres (dont le nombre ne cesse d’augmenter et qu’il considère comme des assistés dont il a refusé le suffrage) et, en définitive, tous les gens sérieux qui attendaient de lui un programme d’action qu’il n’a jamais énoncé, sinon pour faire de grandiloquentes promesses, comme la création de 12 millions d’emplois pendant son mandat. Romney , cédant aux pressions de son propre camp, beaucoup plus gêné par le Tea Party que les démocrates, s’est ensuite recadré lui-même, et n’a trouvé de vigueur dans les trois débats qui l’ont opposé à Obama qu’en singeant son adversaire, par exemple au sujet de l’assurance-maladie.
Au début de la campagne, Romney ressemblait à Marine Le Pen, à la fin de la campagne, c’était Jean-Louis Borloo. Pour notre part, nous en tirons l’idée que cet homme, décidément, ne croit à rien ou pas grand-chose, sinon au bon moyen d’obtenir une majorité. On ne cesse de rappeler ce que Barack Obama n’a pas fait au Proche-Orient, qu’il a combattu l’intégrisme islamiste avec une violence plus grande que celle de George W. Bush, qu’il n’a pas protégé beaucoup d’Américains expulsés de leur maison, qu’il a augmenté la dette américaine. Américains, posez-vous une seule question : croyez-vous sincèrement que Mitt Romney fera mieux ? Qu’il va instaurer la prospérité d’un coup de baguette magique ? Qu’il prendra des décisions favorables à la paix ? Qu’il comprend quoi que ce soit au chaudron moyen-oriental ? À l’Iran, à la Chine, à la Russie ? Croyez-vous que cet homme-là fera autre chose qu’enrichir les banques et appauvrir leurs clients ? En revanche, un Obama ragaillardi par sa réélection finirait le travail qu’il a commencé.
› RICHARD LISCIA
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