LA DÉFERLANTE vitamine D est-elle en train de tourner court, comme le suggère le Lancet dans un éditorial titré « La fin d’un mythe ? » à propos de la publication conjointe d’une grande revue sur les multiples bénéfices prêtés à l’hormone liposoluble. Pour l’équipe dirigée par le Pr Philippe Autier à l’International Prevention Research Institute à Lyon, l’association récemment mise en évidence entre vitamine D et de multiples maladies chroniques non musculo-squelettiques ne tient pas à un lien de causalité. En d’autres termes, le déficit en vitamine D constaté n’a pas de responsabilité dans la survenue de la maladie, il en serait une conséquence. Ce qui signifie en clair qu’il serait inutile, voire délétère, de supplémenter de manière large et systématique un supposé déficit, un message à contre-courant du discours scientifique de ces dernières années. « Le déficit en vitamine D s’avère plutôt être un révélateur de mauvais état de santé, explique le Pr Autier. Certes, il existe bien dans les études prospectives une association entre des taux bas de vitamine D et la prévalence de certaines maladies chroniques. Mais il n’existe aucune preuve d’aucune sorte dans les essais randomisés d’un bénéfice quelconque à donner une supplémentation ». C’est précisément cette contradiction relevée entre les deux analyses, l’une sur 290 études prospectives, l’autre sur 172 essais d’intervention, qui restreint l’interprétation du taux de 25(OH)D à un simple marqueur de maladie. Ce phénomène s’expliquerait par les processus inflammatoires mis en jeu.
Des seuils « qui ne correspondent à rien ».
Il était un peu curieux qu’une hormone identifiée comme calciotrope soit dotée d’un spectre de vertus aussi large. Tout y est passé, ou presque. Maladies cardiovasculaires, cancers, dyslipidémies, diabète, obésité, maladies infectieuses, sclérose en plaques, troubles de l’humeur, troubles cognitifs, mortalité toutes causes, la vitamine D était censée agir sur tout, sans risque de surdosage. « Il existe un problème dès le départ, explique le Pr Autier. Celui de la définition des normes du taux de vitamine D. Les seuils retenus ne correspondent à rien, hormis au soutien de différents intérêts économiques. Une manne permettant aux cabines de bronzage de redorer leur blason écorné par les messages de prévention contre les cancers cutanés ».
Le seuil retenu de 75 nmol/l (ou 30 ng/ml) par le groupe d’experts américains est sans doute surestimé et certainement pas universel. « Des sujets en excellente santé présentent des taux bas sans aucune conséquence. Le déterminisme génétique y est pour quelque chose, tout comme l’adaptabilité du genre humain ». Quoi qu’il en soit, aucune étude randomisée n’aurait prouvé que les symptômes s’améliorent avec la supplémentation vitaminique, y compris dans les cancers colo-rectaux. La vitamine D garde néanmoins ses bénéfices incontestés dans les indications classiques. « Dans les troubles musculo-squelettiques en premier lieu, c’est-à-dire le rachitisme et l’ostéomalacie. Mais aussi chez les femmes enceintes ou allaitantes, chez les sujets à peau noire vivant dans l’hémisphère nord, en particulier chez les enfants, ou encore chez les femmes totalement voilées ».
S’en tenir aux recommandations classiques.
Les recommandations classiques restent ainsi d’actualité. « Il n’y a aucune raison de les changer en l’absence de données issues d’essais randomisés ». Un discours qui vient à point nommé pour la Haute Autorité de santé qui s’est récemment prononcée contre le dosage de la vitamine D de façon systématique. Car même dans la prévention des fractures, la vitamine D n’a pas été à la hauteur des espoirs placés. « La supplémentation s’est néanmoins révélée très intéressante dans une population bien particulière fragilisée par le vieil âge, précise le Pr Autier. Celle des sujets âgés institutionnalisés. Une prise quotidienne de 400-800 UI, obligatoirement de façon concomitante à du calcium, a permis de diminuer le risque de fractures de hanche mais aussi de chutes ».
Le Pr Autier va même plus loin dans son analyse des choses. « La supplémentation pourrait même s’avérer délétère sur le long terme. Des métaanalyses ont conclu à une espérance de vie réduite avec des compléments contenant du sélénium, de la vitamine A et des antioxydants. La vitamine D pourrait ne pas échapper à la règle, l’optimum en la matière correspondant souvent à une courbe en U ».
Cinq grands essais randomisés incluant 2150-20000 sujets âgés de plus de 50 ans sont actuellement en cours, notamment au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, afin de tester l’effet d’une supplémentation à 400-800 UI par jour sur le risque cardiovasculaire, de cancer, d’infections, de déficit cognitif et de fractures. « Les premiers résultats ne sont pas attendus avant 2017, mais ces études ont la puissance requise pour tester nos hypothèses ».
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