DANS UN NUAGE de poussière rouge, le petit bimoteur de la Coastal Aviation se pose sur la courte piste de latérite perdue au cœur du Serengeti. Dans la plaine semi-désertique tout autour du petit aérodrome paissent, indifférents, quelques zèbres et gazelles. Deuxième parc de Tanzanie (derrière celui de Selous), le Serengeti est de loin le plus célèbre, avec ses 15 000 km2 s’étalant entre 920 et 1 850 m au-dessus du niveau de la mer et ses quelque 4 millions d’animaux, ce qui lui vaut d’être classé au patrimoine mondial par l’UNESCO.
À bord de 4 x 4, la magie opère dès le premier contact avec la brousse. On roule sur la latérite durcie de pistes cahoteuses bordées de termitières rougeâtres et d’innombrables acacias parasols recouverts de nids d’oiseaux tisserins. Déjà, les premiers animaux pointent leurs museaux : troupeaux de buffles ruminant aux flancs boueux, dont l’œil fixe n’augure rien de bon, girafes broutant sans relâche les cimes des arbres, gracieuses gazelles de Grant et de Thompson et impalas aux derrières frétillants habillés de deux raies blanches et noires, hordes de gnous aux allures de clowns renfrognés avec leur museau busqué et leur barbiche blanche, se complaisant dans la compagnie de placides zèbres rayés comme des valets de grande maison.
Dans l’herbe rase.
On roule au ralenti dans l’herbe rase en prenant soin d’éviter le piège des ornières enliseuses. Ça et là, reliefs de repas léonins, quelques crânes et os blanchissent au soleil. Mais de lions, point. Pour apercevoir la queue d’un fauve, ou sa crinière, il faut se lever tôt : comme toujours dans la journée, ils dorment et se terrent dans les bosquets, snobant les visiteurs et leurs véhicules patinant sur les pistes. Fort heureusement, les chauffeurs-guides massaï, pisteurs émérites, n’ont pas leur pareil pour les traquer dans chaque recoin de la brousse.
Un peu partout, massives silhouettes grises, des éléphants, seuls ou en troupeaux, cheminent lentement en direction d’une rivière ou d’une mare.
Au coude d’une rivière, se confondant avec les roches grisâtres émergeant de l’eau, les crânes luisants d’hippopotames aux petites oreilles rondes surgissent brièvement, dans un concert de grognements et de soupirs à fendre l’âme. L’aspect balourd de ces bestioles de trois tonnes dissimule une stupéfiante férocité et il est déconseillé de s’approcher trop près de ces mastodontes capables de broyer dans leurs terrifiantes mâchoires un homme ou une pirogue.
De juillet à octobre a lieu au Serengeti la grande migration des gnous, l’un des plus beaux spectacles de la vie sauvage. De Massaï Mara, la grande réserve du Kenya, qui se prolonge au-delà de la frontière avec le Serengeti tanzanien, l’infinie des étendues herbeuses aux couleurs fauves se couvrent de centaines et de centaines de milliers de gnous, hordes luisantes bondissant comiquement dans tous les sens à la moindre approche, avec leurs arrière-trains bas perchés battant l’air. Occupant tout l’espace, aussi loin que l’œil peut voir, ils suivent, accompagnés de cohortes de prédateurs, lions, guépards, hyènes, chacals et vautours, le chemin des pluies du Serengeti en longues colonnes semblables à des colonies de fourmis géantes.
Bivouac de luxe.
Repu de grands espaces couleur fauve, on retrouve la quiétude du Bilila Lodge Kempinski, étonnant cinq étoiles de luxe planté en plein cœur de la brousse. Avec son architecture qui se fond dans la nature – murs de pierres volcaniques, toits de chaume – le Bilila Kempinski, ouvert l’année dernière, offre une approche étonnante, bien différente des standards des lodges traditionnels, où l’on privilégie le côté rustique du campement style « Out of Africa ». Possédant toutes les caractéristiques de la chaîne Kempinski, à savoir le luxe et l’atmosphère raffinée, le Bilila Lodge offre l’intimité, le charme et l’élégance d’un lodge africain avec le service haut de gamme d’un 5 étoiles de prestige, sublimé par une piscine à débordement donnant sur la savane et un superbe spa Anantara. Havre de paix et de fraîcheur pour d’agréables moments de détente entre deux safaris.
Les 77 chambres (dont deux villas privées), vastes et bien conçues, disposent d’un confort exceptionnel. Celles du premier étage, les « Horizons Rooms », offrent quelques plus, comme la télévision satellite et une grande terrasse de teck pour l’observation de la faune avec un télescope. De là, on observe en toute quiétude les évolutions des animaux qui s’approchent sans la moindre crainte à quelques mètres à peine des bâtiments.
Ouvert sur le spectacle du point d’eau où les animaux vont boire, le restaurant offre des mets raffinés, où les saveurs africaines se conjuguent avec bonheur avec les cuisines européennes et asiatiques. Gérée de main de maître par Nico Vivier, le très érudit sommelier sud-africain, la cave à vins recèle un choix étonnant des meilleurs crus.
Dans le salon-bibliothèque, un dernier verre s’impose avant de regagner sa chambre. Confortablement installé devant la cheminée qui éclaire faiblement la pièce, on se prend à penser aux aventuriers et gentlemen chasseurs d’antan, qui auraient sans doute troqué sans trop d’hésitation leurs tentes et leurs moustiquaires pour le confort douillet de ce bivouac chic des plaines du Serengeti.
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