Le Quotidien du pharmacien. - Il y a quelques semaines, le débat sur l’autorisation de la rétrocession de produits entre pharmaciens est revenu sur le devant de la scène. Selon les constats que vous faites lors de l’arrêté des comptes de vos clients pharmaciens, cette pratique est-elle en augmentation ?
Philippe Becker. - La rétrocession avait connu un très net ralentissement à partir de 2011, lorsque les pouvoirs publics et la profession avaient fait ressortir certaines dérives de cette pratique. Cela avait été suivi de la publication d’un décret permettant aux pharmaciens de créer des structures de regroupement aux achats (SRA) et des centrales d’achats pharmaceutiques (CAP). L’objectif était de redonner des instruments juridiques légaux aux pharmaciens afin de leur permettre d'obtenir de meilleures conditions d’achat principalement sur les médicaments OTC. Depuis deux ans, la rétrocession réapparaît car, manifestement, tant la CAP que la SRA n’ont pas rencontré le succès escompté.
Quelles sont, selon vous, les raisons de l'échec de ces structures ?
Christian Nouvel. - Pour la CAP, la raison est liée au coût global de mise en place, puisqu’il s’agit d’un établissement pharmaceutique qui doit répondre à un cahier des charges très strict, ce qui implique des coûts fixes importants. En pratique, les CAP ont été créées par des groupements importants mais jamais par des pharmaciens qui pratiquaient des rétrocessions au plan local. Le jeu n’en valait pas la chandelle ! Pour les SRA, dont le coût de mise en œuvre est faible, là les pharmaciens se sont heurtés à la réticence de leurs fournisseurs habituels qui, se réfugiant derrière des contraintes réglementaires, voire contractuelles, refusaient de traiter avec ladite structure. Cela a généré de la déception, voire de la frustration, dans un contexte où la guerre des prix sur les médicaments OTC et la parapharmacie est devenue une réalité très palpable ; d’où le retour de la rétrocession…
Selon vous, la rétrocession est-elle vitale pour les pharmaciens ?
Philippe Becker. - Ce qui est vital pour un pharmacien, c’est d’être en mesure de lutter à armes égales avec ses confrères sur les offres de produits à prix et marge libres. Chacun sait que le patient-consommateur est de plus en plus informé et qu’il est de ce fait de plus en plus opportuniste. On note aussi que, concernant les produits OTC et la parapharmacie, les différences de prix affichés entre pharmacies sont très fortes. Ce n’est pas rare d’avoir des écarts supérieurs à 50 %. Cette situation est de plus mise en exergue par les organismes de défense des consommateurs avec des effets collatéraux négatifs en matière d’image sur la profession. En d’autres termes, le pharmacien qui, du fait de sa faible capacité de vente et d’achat, ne peut s’aligner sur les confrères les mieux proposant, fini par être considéré comme un « profiteur », alors qu’il subit la loi implacable d’un mécanisme davantage lié aux quantités commandées et que sa marge commerciale au final est très inférieure à celui qui est en bonne position de négociation avec le fournisseur.
Les pharmaciens ont aussi la possibilité d’adhérer à des groupements pour améliorer les conditions commerciales. N’est-ce pas suffisant ?
Christian Nouvel. - Bien sûr et heureusement qu’il y a les groupements, tout particulièrement pour les petites officines. Cela étant dit, les groupements imposent depuis quelques années une plus grande discipline et des engagements formels en matière d’achats pour leurs adhérents : il n’y a plus autant de souplesse qu’auparavant. Ajoutons que, parfois, les produits ou gammes référencés par le groupement ne sont pas toujours ceux que les pharmaciens voudraient vendre. Dans ce contexte la rétrocession redevient la solution.
La rétrocession représente du travail pour les officinaux. En sont-ils conscients ?
Philippe Becker. - C’est vrai et vous avez raison de le souligner, ils n’en sont pas toujours conscients. Oui, il faut le dire, les pharmaciens ne calculent pas toujours le temps qu’ils y passent au détriment du comptoir ou d’autres tâches. Mais on ne peut pas aborder la rétrocession uniquement sur les aspects financiers : c’est déjà un ballon d’oxygène psychologique qui donne l’espoir de pouvoir redevenir concurrentiel. C’est une communauté de travail entre confrères où chacun a son rôle et grâce à laquelle le pharmacien peut aussi rompre son isolement. Derrière la rétrocession, nous le constatons, il y a de l’entraide, et cela a aussi une valeur difficilement chiffrable. D’une manière générale, il serait sûrement préférable de réglementer que laisser faire en la matière. Chacun est conscient que la rétrocession pose des problèmes en matière de traçabilité des produits, mais justement la définition de bonnes pratiques aurait pour rôle de cerner ce problème.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion