T.C. BOYLE aime les grandes figures de l’Amérique. Après avoir « croqué » l’inventeur des corn flakes et du beurre et de cacahuète dans « Aux bons soins du docteur Kellogg », ou le professeur Kinsey, auteur du célèbre « Rapport sur la sexualité des hommes » et « Des femmes » dans « le Cercle des initiés », il a mis sa verve et son humour au service d’une figure majeure de la culture du XXe siècle, qui ne cessa en son temps de défrayer la chronique.
L’œuvre de Frank Lloyd Wright – pour qui un bâtiment constituait un être vivant et chaque pièce un organe autonome d’un corps cohérent – a marqué le début de la modernité. T.C. Boyle habite lui-même dans une maison dessinée par Wright, à Santa Barbara, dans le fameux style « Prairie House », un pavillon d’un seul tenant qui s’intègre au paysage par le biais de l’horizontalité. C’était à la charnière des deux siècles. L’époque dont traite l’auteur se situe plus tard, après que l’architecte a effectué un voyage au Japon, en 1917, qui l’a orienté vers de nouvelles perspectives, et après qu’il a ouvert, à Taliesin West, au fin fond du Wisconsin, pour subvenir à ses besoins, une école d’architecture.
C’est un étudiant en architecture japonais, qui est resté neuf ans à Taliesin en tant qu’apprenti, qui témoigne de ce que fut cette communauté, de son quotidien entre colères du Maître et vitupérations du voisinage qui crie au scandale ; sans trop se prononcer en revanche sur la personnalité multiple de son créateur, artiste prodigue, génie blessé, voire « coureur et sociopathe qui abusa la confiance de presque tous ceux qui l’ont fréquenté, surtout les femmes ».
Les femmes de Wright, donc, sont au cœur du livre et une partie est consacrée à chacune : ses deuxième et troisième épouses, Maude Miriam Noël et Olgivanna Lazovich Milanoff, et sa maîtresse, Mamah Borthwick Cheney ; avec des apartés évoquant sa première femme, Catherine Tobin, qu’il abandonna purement et simplement. Toutes des beautés, aussi voyantes que les bolides qu’il pilotait à tombeau ouvert, et aussi dangereuses. On aura compris que l’architecture n’est pas le thème central du livre, mais l’amour. Un sujet qui inspire T.C. Boyle autant que fut inspiré Frank Lloyd Wright pour construire le musée Guggenheim de New York. La spirale des formes étant ici remplacée par les volutes d’un style vif et voluptueux. Un livre à dévorer comme le feu qui a détruit la demeure de son constructeur à Taliesin.
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