Juliette, adjointe à la Pharmacie du Marché, s'arrête près du comptoir où Julien sert une cliente. Faisant mine de chercher un produit, elle écoute la conversation, prête à intervenir. Son jeune collègue semble en difficulté. La cliente l'a emmené sur un terrain glissant, celui du remboursement par la Sécurité sociale, et Julien, avec toute l'innocence et la conviction de la jeunesse, s'est engouffré dans un débat dont il n'arrive pas à se sortir.
- Parce que vous comprenez, s'indigne la cliente, moi j'ai cotisé toute ma vie pour la Sécu. Et au final, je dois payer pour être en bonne santé.
La septuagénaire a un rhume doublé d'un mal de gorge. Son médecin lui a prescrit un collutoire et un spray nasal d'eau de mer. Excepté le paracétamol, les autres produits de l'ordonnance ne sont pas remboursés et la patiente ne se résout pas à devoir régler ses médicaments.
- Sur le principe, c'est inacceptable. On ne prend pas des médicaments pour le plaisir, ou alors le médecin fait n'importe quoi. D'ailleurs, le toubib aurait pu me prévenir que ces médicaments ne sont pas remboursables, poursuit la cliente de plus en plus énervée.
- Mais ça fait longtemps que ces médicaments ne sont plus remboursables, Madame. La Sécurité sociale doit faire des choix, et elle préfère rembourser des médicaments très chers, contre le cancer par exemple, que des médicaments…
Julien n'a pas le temps de terminer sa phrase que la femme l'interrompt :
- Tu parles ! Des médicaments chers ! Et pourquoi pas les médicaments de nicotine tant qu'on y est !
- Et bien justement, ils sont remboursables maintenant… depuis peu, ose Julien avant de regretter sa réactivité.
La cliente le dévisage, abasourdie :
- Vous plaisantez ? Vous êtes en train de me dire qu'on paye aux fumeurs les patchs et tout le tralala ? Et à moi, on refuse de payer un pauvre médicament à 4,50 euros !
- Disons que l'axe choisi est celui de la prévention, et qu'en remboursant les substituts nicotiniques on espère réduire les dépenses liées à certaines maladies causées par le tabagisme, explique Julien sans se laisser démonter. D'ailleurs, il y a d'autres produits…
Décidant de mettre fin à ce débat stérile, Juliette se retourne brusquement et coupe la parole au jeune stagiaire.
- Madame Largeau. Il me semble qu'on a des produits promis pour vous. Vous savez, la crème de jour que vous nous aviez commandée, et les tubes d'homéopathie !
Surprise, la cliente abandonne le débat et ne s'adresse même plus à Julien. Elle poursuit la discussion avec l'adjointe, lorsque son regard se pose sur la brochure dénonçant le déremboursement à venir de l'homéopathie.
- S'ils déremboursent l'homéopathie, je ne sais vraiment plus comment on va se soigner en France ! déclare-t-elle en brandissant le papier.
Au comptoir d'à côté, un adolescent demande à Damien :
- Bonjour, j'ai lu qu'on pouvait se faire rembourser les préservatifs. J'ai une prescription du médecin…
La cliente septuagénaire réagit aussitôt :
- Parce qu'en plus, on rembourse les préservatifs ! Je n'y comprends plus rien.
(À suivre…)
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