On a eu tôt fait, quand Emmanuel Macron a heurté de front la crise des gilets jaunes, de dénoncer sa jeunesse et son inexpérience. En réalité, les partis d'opposition qui, il y a moins de deux ans, tenaient le haut du pavé, se sont mal remis de la victoire, en 2017, de ce fringant trentenaire et n'ont eu de cesse de l'imiter. Même Laurent Wauquiez, qui, pourtant, n'est pas vieux (44 ans en avril) a cru bon d'envoyer à la bataille un inconnu, M. Bellamy, qui, pour n'avoir été que l'adjoint du maire de Versailles, porte beau et rayonne de jeunesse. Certes, la critique qui valait pour M. Macron a servi d'atout pour les plus jeunes que lui. Mais, dans toutes les arrière-pensées, il existe une confusion entre le renouveau et l'âge du capitaine. Du sang neuf, voilà ce qu'il faut.
C'est d'autant plus vrai que le jeune président de la République s'est entouré de jeunes gens, alors que les plus âgés, comme Gérard Collomb, 71 ans, lui donnaient du fil à retordre. La garde rapprochée du chef de l'Etat apparaissait, il y a peu, comme une garantie de changement, de réforme, de dynamisme. Patatras ! Voilà que ces jeunes gens commettent des erreurs, voilà qu'ils augmentent le passif du président et qu'ils lui apportent plus de soucis que de réconfort. Coup sur coup, Sylvain Fort, un as de la rhétorique, puis Stéphane Séjourné et enfin Ismaël Emélien démissionnent, certes pour des raisons diverses mais pas toujours claires, un peu comme si les jeunes étaient désenchantés ou que le chef de l'Etat, accablé par les conséquences de la crise sociale, ne pouvait plus les garder.
Et comment ne pas voir que le plus jeune d'entre tous, Alexandre Benalla, 27 ans, est devenu le boulet attaché au pied du chef de l'exécutif et que, s'il l'on admet qu'il sait défendre son cas devant les commissions parlementaires, il a persisté dans ses frasques au delà de tout ce que l'on imaginait ? Il serait aussi simpliste d'attribuer à la jeunesse ces incidents de parcours qu'il l'a été de croire que la jeunesse est synonyme de perfection. Sans doute M. Benalla apprendra-t-il de ses fautes grossières, et il sera encore jeune quand il se sera assagi. Quant au talent des autres conseillers, il était indiscutable, même si M. Emélien, décontenancé par l'affaire Benalla, n'a pas su agir dans la transparence.
L'écart de langage de Corbière
On ne voit pas davantage comment l'âge des têtes de liste aux européennes en fait des personnes très différentes de ce que sont leurs patrons, qui n'ont pas voulu se désigner eux-mêmes. M. Bardella, par exemple, est encore plus agressif que Marine Le Pen et ne croit briller que dans l'excès sémantique. M. Bellamy arrive à la bataille plein de ses convictions, que l'on a le droit de considérer comme des préjugés. Eût-il eu dix ou vingt ans de plus qu'il n'aurait pas été débarrassé de l'aversion que lui inspirent le mariage pour tous et l'IVG. Enfin, Mme Aubry, qui porte un nom déjà célèbre, est en quelque sorte la digne fille de Jean-Luc Mélenchon. Elle s'exprime d'une manière tout aussi péremptoire, charme féminin en plus.
Il est donc préférable d'évaluer calmement la jeunesse d'un élu ou d'un candidat. C'est un plus, mais il n'est pas suffisant. Il vaut mieux, en outre, se rappeler que blanchir sous le harnais a ses avantages en termes d'expérience, l'histoire, n'est-ce pas ? n'étant qu'un éternel recommencement et ne servant des plats que nous avons déjà goûtés. Je m'étonnais, la semaine dernière, (mais je suis vieux jeu) d'entendre Alexis Corbière, grand orateur de la France insoumise, brocarder la nomination d'Alain Juppé au Conseil constitutionnel, lequel, selon lui, « ne devrait pas être le cimetière des éléphants ». On a certes entendu pire dans les couloirs de l'Assemblée ou dans les médias, mais on n'a jamais fini d'explorer la désobligeance et la grossièreté. Le combat politique ne permet pas de décrire un homme vivant comme un cadavre et M. Juppé, n'étant pas socialiste, ne saurait être marqué du label réservé aux caciques du PS. Mais qu'est-ce que M. Corbière ne dirait pas pour être cité dans les médias ! Il faut bien que jeunesse se passe.
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