VALÉRIE PARIS, économiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui compte aujourd’hui 34 pays membres, a comparé la prescription et la consommation des médicaments en Europe. Celles-ci varient beaucoup d’un pays à l’autre, y compris très voisins, sans que les écarts (parfois de 1 à 7) s’expliquent toujours par des différences de populations ou de situations économiques. C’est la même chose pour les examens et les procédures chirurgicales. L’économiste reconnaît que son travail a des limites – « les données ne sont pas toujours disponibles ou comparables et l’impact des disparités sur la santé des populations est difficile à analyser » – mais les ventes de médicaments et les bases de données sur les demandes de remboursement permettent d’établir des comparaisons utiles à la réflexion. À condition néanmoins de s’appuyer sur la même unité de mesure, mise au point par l’OMS : la dose quotidienne définie (DQD), qui correspond au dosage journalier nécessaire au traitement d’un adulte dans l’indication principale du produit. Exemples : 3 g de paracétamol, 20 mg de fluoxétine, 20 mg d’oméprazole.
Antidépresseurs : l’Allemagne n’est pas un modèle.
Premier exemple de disparité : les antidiabétiques oraux, dont l’augmentation de la consommation a globalement suivi celle de l’obésité entre 2000 et 2009, dans tous les pays de l’OCDE. À prévalence égale, certains pays recourent davantage à ces médicaments. La Finlande est ainsi beaucoup plus interventionniste que le Danemark. Autre exemple, les antidépresseurs qui intéressent particulièrement les Français : certes, nous figurons toujours parmi les plus gros consommateurs d’anxiolytiques, mais les prescriptions d’antidépresseurs ont moins augmenté entre 2000 et 2009, et la France est aujourd’hui largement rattrapée par des pays du Nord comme le Danemark qui a doublé ses chiffres, et au Sud par le Portugal où la consommation a été multipliée par 3. En revanche, la dépression apparaît à la fois sous-déclarée et sous-traitée en Allemagne. Le recours à la phytothérapie y est très fréquent et les traitements d’antidépresseurs sont inadéquats en termes de durée ou de dose dans 65 % des cas. Au Royaume-Uni également, mais dans une moindre mesure (47 %).
Un autre point sensible en France, la consommation d’antibiotiques. Elle a certes baissé mais reste la plus élevée des pays de l’OCDE, derrière la Grèce - où ces médicaments peuvent être pris en charge plusieurs fois et font l’objet d’un trafic ! – et juste devant l’Italie qui n’est pas un modèle en la matière. Parmi les pays les plus vertueux : les Pays-Bas (3 fois moins qu’en France), l’Allemagne et les pays nordiques (2 fois moins). On connaît l’explication de cette différence : en France, les recommandations, qui reposent pourtant sur l’evidence based medicine, ne sont pas respectées.
ETS et P4P.
Comment remédier à des anomalies qui ont souvent un impact très important sur les dépenses du pays et des ménages ? « L’évaluation des technologies de santé (ETS) est un bon moyen. Elle peut aider à réduire les coûts en limitant l’accès aux nouvelles technologies ou aux nouveaux médicaments, par exemple, ou avoir un effet sur les décisions relatives au remboursement, explique Valérie Paris. Malheureusement les résultats de l’ETS ne s’imposent pas toujours aux décideurs qui prennent en compte des considérations politiques… »
Les paiements à la performance inspirés du « P4P » des Anglo-saxons, déjà utilisés dans 14 pays de l’OCDE et qui arrivent en France, apparaissent également comme un moyen efficace, mais les résultats sont pour l’instant modestes et des ajustements sont souvent nécessaires (« bonus » parfois trop élevés ou objectifs fixés trop bas). Enfin, l’augmentation de la part des génériques est un objectif commun à tous les pays de l’OCDE mais, là encore, les moyens d’y parvenir et les résultats obtenus diffèrent énormément. Par exemple, la prescription en DCI n’est jusqu’ici obligatoire qu’au Portugal et la substitution n’est pas autorisée dans certains pays (Belgique, Autriche, Grèce), alors qu’elle est obligatoire au Danemark, en Finlande, en Suède, en Allemagne et en Espagne. Le recul de 3 % en 2011 du marché du générique en France devrait d’autant plus nous inciter à analyser les pratiques de nos voisins les plus performants dans ce domaine…
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