CAR IL S’AGIT bien d’un malaise qui, parti du stade de France, s’est propagé comme une grippe jusqu’au niveau de l’État. Nicolas Sarkozy et François Fillon n’ont pas caché leur embarras ; Thierry Henry lui-même a présenté ses excuses sur son blog ; les Irlandais n’ont pas explosé de colère mais leur critique est amère ; le monde se gausse de nous, d’autant que ni le coach français Raymond Domenech, ni les autorités du football national n’ont suggéré une forme de réparation à ce qui est une faute, délibérée ou non, et une faute, de surcroît, qui a assuré la victoire de l’équipe de France. Que M. Domenech ait cru bon de dire, après le match, qu’il n’avait rien vu l’a exposé à un torrent de quolibets. Pendant qu’il parlait la video de la triche était accessible au monde entier.
Si on appréhende le problème en termes techniques, on fera confiance au temps pour que l’incident soit oublié. Comme tout le monde a vu ce que M. Domenech n’a pas vu, les arguments de type ligne Maginot ont plu à verse : une faute qui a échappé à la vigilance de l’arbitre n’en est pas une ; c’est le foot et donc les fautes non sanctionnées n’ont jamais manqué et ne manqueront pas à l’avenir ; il est impossible de rejouer le match parce que le code qui régit le football international exclut cette solution ; Thierry Henry n’a pas voulu tricher, il n’a eu qu’un réflexe ; les occasions, pour la France, de perdre parce qu’une faute de la partie adverse n’a pas été relevée par l’arbitrage, ont été multiples. Mais quand on additionne cette flopée d’excuses et d’explications, on s’aperçoit qu’une partie du système et une partie des aficionados se contenteraient, à l’avenir, de victoires circonstancielles résultant non du talent de nos joueurs mais de petits accommodements avec le droit, avec l’éthique, avec la morale personnelle.
Et ce serait ça, l’ambition française ? Des triomphes minables obtenus par la mesquinerie, le juridisme, l’hypocrisie ? Depuis 1998, date d’une victoire mondiale de la France, la chute a été lente mais sûre. L’opinion, désespérée par des performances françaises qui marquent le pas depuis onze ans, attend un miracle. Mais dans un univers où les adversaires ne sont pas manchots, le seul miracle possible, c’est le coup de main interdit. D’ores et déjà, plusieurs occasions d’exprimer notre fair play ont été manquées. Rien n’empêchait Thierry Henry d’aller voir l’arbitre et de confesser sa faute ; rien n’empêchait Raymond Domenech de reconnaître spontanément la tricherie commise, ce qui donne d’ailleurs la mesure de son aveuglement, car, comment pouvait-il croire, dans une époque où tout est filmé, que le geste de Thierry Henry ne serait pas fixé pour l’éternité ? Rien n’empêchait la Fédération française de football de se pencher studieusement sur le cas et de proposer une solution équitable.
Renoncer ?
Dès lors que les règles qui régissent les matches sont inamovibles, il n’y a en réalité qu’une solution. Elle consisterait à reconnaître qu’il peut exister une exception à la règle et à décider un nouveau match entre la France et l’Irlande. Si la sclérose des autorités du football les prive d’une telle décision, alors il appartient à l’équipe de France de s’exclure de la suite des événements, de dire qu’elle ne veut pas d’une victoire volée qui risque de lui être rappelée à chacun de ses succès et qui, en définitive, porte atteinte à l’image nationale. Nous n’ignorons aucune des réponses acerbes ou même comminatoires que l’on nous adressera au sujet d’une proposition qui sera attribuée à notre incompétence sportive : ce serait d’abord la révolution dans le public ; le foot, c’est des sommes énormes et on ne peut pas annuler autant de spectacles qui réuniront tant de spectateurs ; le destin du foot français, celui des chaînes de télévision, et l’état de manque du peuple privé de son opium seraient apocalyptiques. Vraiment ? Dans ce cas, qu’est-ce qui compte le plus ? Que les règles du foot international ne souffrent aucune exception ou que la France lave son déshonneur ? C’est en prévoyant l’impossible qu’on fera bouger ceux qui refusent de faire le possible.
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