« JE SUIS très irrité par le dossier des DASRI, lance Gérard Raymond, président de l’Association française des diabétiques (AFD). En 2007, un texte de loi devait tout régler en six mois, or, cinq ans plus tard, rien n’est réglé ! » s’insurge-t-il. Pire encore, le brouillard s’épaissit autour de la récupération de ces déchets très particuliers. En effet, depuis le 1er novembre, un éco-organisme aurait dû se charger de l’organisation de la collecte. En théorie, les pharmaciens sont obligés, depuis cette date, de distribuer aux patients en autotraitement des conteneurs pour leurs DASRI perforants et de les collecter gratuitement, en l’absence de dispositif de collecte de proximité spécifique. Près de 2 millions de patients en autotraitement sont concernés. Selon une étude de l’ADEME* de 2009, ils produiraient 290 tonnes de déchets chaque année. Problème : l’éco-organisme n’est pas encore opérationnel et le cahier des charges censé fixer ses missions n’est même pas encore publié… Sa publication est prévue d’ici à la fin de l’année 2011. « Il ne va rien se passer avant début 2012 », estime Christophe Koperski, chargé du dossier à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Les ministères de l’Écologie et de la Santé ont donc envoyé, le 28 octobre, un courrier aux officinaux, précisant que « les pharmacies n’ont aucune obligation de collecte à compter du 1er novembre 2011 ». En pratique, celles qui collectaient déjà les DASRI peuvent continuer « dans les mêmes conditions jusqu’à l’agrément d’un éco-organisme et la mise en œuvre effective du réseau de points de collecte ». En revanche, celles qui ne le faisaient pas encore n’y sont pas contraintes. Cependant, toutes les officines sont censées remettre gratuitement des conteneurs aux patients. Or « les collecteurs répondant aux nouvelles normes ne sont pas encore produits, s’alarme Christophe Koperski. Et, depuis mi-octobre, les fabricants ont suspendu la production des anciens collecteurs ». « Il n’y a pas d’obligation de les distribuer, indique Jean-Charles Rochard, secrétaire général du conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP). Si un patient porte plainte, les sanctions ne seront pas applicables, puisque la filière n’est pas prête », assure-t-il.
Problèmes de financement.
Daniel Marleix, directeur des relations scientifiques chez BD Médical, entreprise adhérente d’APPAMED (syndicat de l’industrie des dispositifs de soins médicaux), tient aussi à tempérer ces inquiétudes. « Nous avons effectivement cessé la production des kits aiguilles avec collecteurs, car l’éco-organisme devait prendre le relais au 1er novembre et que les process industriels prennent six mois à un an, précise-t-il. La décision d’arrêter la production avait été prise depuis le mois d’avril. Cependant, il nous reste encore trois ou quatre mois de stock. Nous pouvons donc continuer à distribuer des collecteurs en pharmacie. »
Le retard pris dans la mise en place de la filière s’explique notamment par le coût financier qu’elle représente : il est estimé à environ 10 à 15 millions d’euros, répartis entre les fabricants de déchets. La spécificité de la filière DASRI vient du fait qu’elle « intervient dans un domaine où les prix sont encadrés. On ne peut pas et on ne veut pas répercuter le coût du traitement des déchets sur les patients », explique Daniel Marleix. Dans le domaine des DASRI, les entreprises se répartissent entre celles qui produisent des dispositifs médicaux piquants, coupants, perforants, soit une vingtaine d’entreprises, dont certaines sont représentées par APPAMED, le SFRL ou le SNITEM**, et celles qui produisent des médicaments injectables (insuline, EPO…), soit environ une trentaine d’entreprises du médicament (représentées par le LEEM). « Le chiffre d’affaires de ces produits dans les entreprises adhérentes d’APPAMED s’élève au total à 50 millions d’euros, contre 1,4 milliard pour celles du LEEM, souligne Daniel Marleix. Pour financer un éco-organisme, les ressources financières des uns ne sont pas comparables à celles des autres, pointe-t-il. Nous ne pouvons pas dépasser une contribution d’un montant de 0,5 à 1 % du chiffre d’affaires de ces produits. » Les entreprises peinent donc depuis des mois à trouver un accord sur le financement, ce qui retarde d’autant la mise en place de la filière.
Les pharmaciens en dernier recours.
Au bout du compte les pharmaciens pourraient d’ailleurs en être exclus car le coût estimé pour inclure les officines dans le dispositif s’est révélé trop élevé. Actuellement, environ 4 500 points de collecte sont déjà en place. L’objectif est d’atteindre, dans un premier temps, 5 000 à 6 000 points, bien répartis, afin d’éviter les « trous » dans certaines zones. Bien loin des 22 000 officines françaises… « La pharmacie est un lieu bien adapté pour la dispensation de collecteurs, mais le sujet de la collecte prise en charge par les pharmacies est quant à lui actuellement en discussion, rapporte d’ailleurs Daniel Marleix. Les officinaux pourraient n’être sollicités qu’en dernier recours et cela ferait l’objet de négociations au cas par cas avec les acteurs locaux. »
Pour Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), « si aucune officine ne participe au dispositif, ce n’est pas grave, du moment qu’un autre système fonctionne. Cependant, si le dispositif doit s’appuyer sur un réseau d’officine, nous demandons qu’aucune pharmacie volontaire ne soit refusée ». Une position partagée par l’Ordre des pharmaciens : « Si dans un secteur on fait appel à une pharmacie, il faut faire appel à toutes les volontaires, exige Jean-Charles Rochard. Car s’il y a sélection, il y a concurrence et cela pose des problèmes de déontologie », met-il en garde.
Ce qui compte désormais, pour les représentants des officinaux, comme pour les patients, c’est que la filière puisse voir le jour rapidement. « Il faut que l’année 2012 voie le début de la filière d’élimination des DASRI, réclame Gérard Raymond. C’est une question d’éthique. »
**SFRL : syndicat de l’industrie du diagnostic in vitro et SNITEM : syndicat national de l’industrie des technologies médicales.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion