« La tauromachie, je suis tombé dedans quand j’étais petit, explique Jean Wargnier, pharmacien à Pau. Ma famille habitait à Mont-de-Marsan, près des arènes. L’ambiance des ferias, les couleurs, les clameurs, la fête… ça vous imprègne. Pourtant, je suis ressorti de ma première corrida en pleurant. J’avais 7 ou 8 ans et je n’ai pas supporté. Plus tard, j’y suis revenu et la tauromachie est devenue la passion de ma vie. Une passion délirante, dévorante… »
Pour la pharmacie, la vocation fut moins évidente : « avec une grand-mère infirmière et un grand-père chirurgien, j’étais attiré par les métiers de la santé. Mon frère aîné faisait médecine et m’a déconseillé cette voie : « l’avenir de ce métier va être compliqué » disait-il. Moi, j’ai écouté et j’ai choisi pharmacie, parce que je voulais un métier au service des autres, à l’écoute, un métier où l’on se sent utile. Mais déjà, je savais une chose : si l’on se lève le matin avec l’idée que l’on va s’ennuyer, la vie est vite difficile. Par chance, j’ai tout de suite aimé le métier de pharmacien. »
Jean Wargnier fait ses études à la faculté de Bordeaux. Diplôme en poche, il entame une carrière de remplaçant, dans le Sud-Ouest : « Cela me permettait de gagner ma vie, découvrir le métier, étudier les officines, leurs structures, car, dès le début, je voulais avoir ma propre officine. » Deux ans plus tard, en 2003, son vœu se réalise. Il reprend la Pharmacie de la Poste à Pau, dans laquelle il exerce toujours. « Ce fut une belle opportunité, car dans cette officine nous nous sentons bien. Même si la profession devient une galère… »
L’officine de Jean Wargnier emploie 5 personnes et doit faire face à une importante concurrence : « en 2003, on comptait 1 officine pour 900 habitants, souligne-t-il ; depuis, Pau a perdu près de 6 000 habitants. » De plus, à partir de 2006, le quartier a subi deux années de travaux qui ont fortement impacté le commerce. Sans parler des problèmes d’accessibilité du centre-ville, de la crise économique et « des politiques nationales du médicament, utilisé comme seule variable d’ajustement pour équilibrer la Sécu… »
Mais, loin des galères officinales, Jean Wargnier a toujours su cultiver le plaisir et les frissons de la tauromachie : « Il y a ceux qui vont aux arènes quand la feria se déroule chez eux, et les passionnés qui courent les arènes », explique cet aficionado qui assiste à une vingtaine de corridas par an dans les plus grandes arènes françaises (Mont-de-Marsan, Vic-Fezensac, Bayonne, Céret…) et espagnoles : Séville ou Madrid, phare mondial de la tauromachie.
Dramaturgie.
Adolescent, plus d’une fois il s’est rêvé torero, mais n’a jamais tenté sa chance dans l’arène : « Trop la pétoche ! » avoue-t-il. Pourtant, son plaisir de spectateur est gigantesque : « une corrida, c’est un lieu, une durée, des hommes, une dramaturgie… Ce spectacle peut-être apprécié pour le côté artistique, l’esthétique, les couleurs, la technique du matador, la plastique… Mais pour moi, ce sont d’autres aspects qui priment : la mort, le combat, la sauvagerie, la mise en valeur du toro, même si cela peut faire bondir certaines personnes. La tauromachie m’offre vraiment des moments d’émotion exceptionnels qui remplissent ma vie. »
Ce qui fonde la passion de Jean Wargnier, c’est d’abord son amour des taureaux de combat. Lignées, croisements, castes, ils n’ont plus de secret pour lui. Sur son agenda, il coche les corridas alliant les meilleurs toros et les meilleurs toreros.
Pour faire vivre sa passion toute l’année, il est aussi membre de plusieurs peñas (associations taurines). Là, on est loin des 6 000 à 8 000 spectateurs d’une arène ; une peña regroupe un petit nombre d’aficionados qui discutent des corridas passées ou à venir, organisent des conférences, invitent des toreros, des éleveurs, partagent de bons moments : repas, fêtes, anniversaires. Bref, une seconde famille, tout entière vouée au culte du taureau. Dans sa propre famille, Jean Wargnier s’attache aussi à transmettre le virus taurin à ses trois enfants (9, 11 et 12 ans) qu’il accompagne à leurs premières corridas. Seule son épouse demeure à l’écart, détestant farouchement la tauromachie.
Parfois, la passion taurine déborde sur l’officine : « J’ai vu tellement de corridas, avoue-t-il, que j’ai fini par y rencontrer des patients, avec qui, au comptoir, nous aimons parler toros. » En famille, à l’officine et même avant de s’endormir, Jean Wargnier a toujours des toros plein la tête.
Ce pharmacien de 42 ans nourrit pourtant quelques autres passions bien régionales : la pelote basque qu’il pratique avec des amis tous les mercredis… « avec repas à suivre », rajoute ce gourmand de convivialité ; et les sports de glisse, sur neige et sur mer, avec une prédilection pour les plages landaises où il aime s’adonner indifféremment à la glisse, à la pêche ou au farniente.
Homme du bien vivre, Jean Wargnier n’est pas dévoré par l’ambition : « J’ai des aspirations simples : une semaine de vacances en hiver, deux en été, quelques corridas… Toutefois, j’aimerais développer mon officine, assurer mes arrières, me construire la maison que je n’ai toujours pas. »
Mais le contexte économique ne s’y prête guère et il demeure assez pessimiste sur l’avenir de la profession : « Quand un jeune me demande mon avis sur l’installation, je lui réponds : Réfléchis ! Une officine ne permet plus de financer sa retraite. Par contre, je vois les nouvelles missions du pharmacien comme des évolutions positives. »
Espérons avec lui que la pharmacie d’officine, affaiblie par des picadors et banderilleros de tous poils, agacée par les passes plus ou moins habiles des ministres, ne subisse pas un jour l’estocade.
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