Le fond de l’affaire, c’est que Mme Taubira éprouve de l’aversion pour un texte qui met en cause la pérennité de la nationalité. Certes, la déchéance de nationalité existait avant l’avènement du terrorisme en France et c’est alors qu’il aurait fallu penser à ce que cette disposition contenait d’injuste envers un certain nombre de nos concitoyens. François Hollande s’est lancé à corps perdu dans cette affaire. Il a résisté à toutes les objections de son entourage ; il a repoussé les alternatives qui lui étaient proposées, comme l’indignité nationale ; et, comme la rumeur se répandait qu’il renonçait à sa loi, il a fait confirmer de manière bruyante qu’il s’y cantonnerait.
Le président de la République n’est pas, d’ordinaire, si intransigeant et têtu, qu’il ne mette jamais de l’eau dans son vin. L’histoire des trois années et plus qu’il a passées au pouvoir et celle de tous les revirements, notamment en économie. S’il a décidé cette fois de passer en force, c’est parce que son intention est purement électorale : la déchéance de nationalité est un signal purement symbolique, mais très fort, envoyé à l’électorat de droite et d’extrême droite. Voilà un François Hollande qui, décidément, ratisse large.
Mais on ne va pas si loin dans la quête des suffrages sans changer de nature. Et en reprenant des idées de Marine Le Pen, M. Hollande ne pouvait ignorer qu’il allait indisposer, une fois de plus, tous les éléments de gauche qui voient dans chaque virage à droite une trahison. Le chef de l’État, peu ou prou, était parvenu à maîtriser la « fronde » de la gauche de la gauche. Simultanément, il minimisait les déclarations publiques de Mme Taubira qui, jusqu’à présent, n’ont jamais donné lieu à une sanction de l’Élysée ni même à un blâme, en dépit des grognements de Manuel Valls qui ne cache pas que la ministre de la Justice l’agace prodigieusement. Il est vrai que la ministre, avec son aplomb coutumier, a toujours allié l’expression de ses divergences à une discipline gouvernementale constante. La droite lui a demandé à plusieurs reprises de démissionner parce que ses idées se situent à l’opposé de l’action du Premier ministre.
Le paradoxe de trop.
Peut-être que le moment de vérité est arrivé. La gestion de la vie politique par François Hollande a souvent été marquée par de très curieux paradoxes. Mais est-il possible que Mme Taubira porte devant le Parlement un texte auquel elle n’accorde aucune efficacité, ce en quoi elle n’a pas tort, et qui est contraire aux vertus égalitaires qu’elle ne cesse de prôner ? À court de soutiens pour sa réélection, M. Hollande veut garder son électorat traditionnel et croit pouvoir, alors que les sondages situent sa popularité à 24 %, trouver des voix à droite ou encore plus loin, sans craindre un seul instant, d’imiter ce que faisait Nicolas Sarkozy, ce qu’il ne cessait, naguère, de reprocher à son prédécesseur. Mme Taubira, de son côté, devra expliquer comment elle peut encore exprimer son opposition pure et simple à la politique Hollande-Valls et comment elle peut contribuer à la lutte anti-terroriste tout en restant au gouvernement ; et si ce qui lui reste à faire n’est pas de démissionner.
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