L’ENDOCRINOLOGIE dut beaucoup à Oskar Minkowski (1858-1931) : ce médecin allemand, surtout connu de nos jours pour ses travaux sur le diabète, observa en 1887 que des tumeurs de l’hypophyse étaient régulièrement associées à une croissance des mains et des pieds des patients. Cette acromégalie lui suggéra que cette glande devait produire une hormone favorisant la croissance mais la recherche en resta là pendant une vingtaine d’années.
Les choses se précisèrent en 1908, lorsqu’un physiologiste anglais, Edward A Sharpey-Schäfer (1850-1935), nota que la croissance de rats nourris avec des extraits d’hypophyse se trouvait accélérée. Au même moment, Thorburn B. Robertson (1884-1930), un biochimiste de l’université Berkeley (Californie), montra que de jeunes souris auxquelles était administré un extrait d’antéhypophyse grandissaient plus que la normale. Herbert Mc Lean Evans (1882-1971) et Joseph A. Long (1879-1953), respectivement embryologiste et zoologiste à l’université de Californie, confirmèrent ces observations. Berkeley devint alors l’épicentre de la recherche sur la croissance et, en 1922, l’anatomiste Philip E. Smith (1884-1970) y réalisa des expériences particulièrement remarquables : ayant nourri avec de l’hypophyse des têtards de grenouilles qu’il avait privé chirurgicalement d’antéhypophyse sans léser l’hypothalamus (un exploit technique remarquable, sur des animaux de 3 à 4 mm !), il restaura leur croissance normale.
Contre le nanisme.
Même connaissant l’existence d’une hormone stimulant la croissance, les scientifiques se heurtèrent à une difficulté supplémentaire : les extraits antéhypophysaires restèrent longtemps contaminés par d’autres hormones. Finalement, c’est en 1944 que le biochimiste américain Choh Hao Li (1913-1987) et Herbert Evans isolèrent une hormone de croissance (« Growth hormone ») pure à partir d’hypophyses de bovins. Maurice S. Raben (1915-1977) et V. W. Westermeyer, de l’université Tufts de Boston, isolèrent quant à eux l’hormone de croissance porcine (le terme de « somatropine » fut introduit un peu plus tard). Les espoirs alors fondés sur ces hormones pour traiter le nanisme furent déçus car elles n’eurent aucune action chez l’homme, et pour cause : une biologiste de l’université Yale, Grace E. Pickford (1902-1986), montra en 1954 que la somatropine est spécifique à l’espèce.
La somatropine humaine, extraite et purifiée en 1956 par Li mais aussi par Raben, se montra efficace dès les premiers tests conduits par Raben en 1958. Li en détermina la structure en 1966 (révisée par la suite, elle fut définitivement élucidée en 1972) et parvint à la synthétiser en 1970, créant la plus longue chaîne protéique artificielle de l’époque. Entre 1963 et 1985, quelque 27 000 enfants furent traités de par le monde.
Mais, en 1985, la FDA signala que des Américains traités des années auparavant pour retard statural par somatropine étaient décédés d’une encéphalopathie de Creutzfeldt-Jakob, une maladie neurologique rare due à des prions ; le phénomène fut également observé en Grande-Bretagne. On constata que des lots du médicament avaient été préparés à partir d’hypophyses infectées : la distribution de somatropine d’extraction fut suspendue le 19 avril 1985 aux États-Unis. Les premiers cas apparurent en France en 1989 : l’hormone y a occasionné à ce jour environ 120 décès. La somatropine commercialisée est désormais une molécule recombinante.
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