« Sentez et rêvez » nous dit Jean-Claude Ellena, ancien parfumeur Hermès, président des Amis du musée et commissaire de l’exposition « La fabuleuse histoire de l’Eau de Cologne ». Bergamote, citron, romarin… le rêve s’est d’abord esquissé au milieu de ces effluves avant de se concrétiser au Pays de Grasse, qui s’est vu octroyer, le 28 novembre dernier, le label UNESCO au titre du patrimoine immatériel lié aux savoir-faire du parfum, et qui accueille depuis quelques années le retour remarqué de grandes marques (Dior, Vuitton, Givaudan avec le rachat d’Expressions Parfumées et d’Albert-Vieille). Tout juste rénové, avec un espace dédié aux expositions temporaires agrandi de 250 m2, le musée international de la parfumerie (qui bénéficie de nombreux mécènes du secteur) veut afficher une vitrine contemporaine. Et l’on peut même composer son Eau de Cologne personnalisée dans un atelier de fabrication de parfum.
Aqua Mirabilis, panacée
Comme pour toutes les belles histoires, les origines sont floues et légendaires, mais on sait que l’authentique Eau de Cologne, principalement composée de bergamote, est utilisée pour la première fois par le parfumeur Jean-Marie Farina, à Cologne, en 1709. Probablement issue de recettes plus anciennes, peut-être celle des religieuses de Santa Maria Novella à Florence, en accord avec le Milanais Giovanni Paolo Feminis qui invente son aqua mirabilis. À l’époque, c’est une eau vertueuse réputée pour soigner les maux et purifier l’air. Elle est même recommandée par l’Académie de médecine. Les apothicaires en vendent et préconisent de la boire, à la cuillère ou sur un sucre, ce que fera à haute dose Napoléon (en 1810, il en utilise 36 à 40 bouteilles par mois). De Cologne, le secret de fabrication n’est pas gardé longtemps et l’originale donne naissance à des dérivés, dont la célèbre Eau de Lubin, appréciée par Marie-Antoinette. La formule de Farina sera rachetée par Roger & Gallet en 1862, et l’élixir s’avère hautement lucratif.
Produit relativement cher, car prisé par l’aristocratie, l’Eau de Cologne est de multiple fois copiée. Roger & Gallet est obligé d’intenter plusieurs procès. Seule l’Eau de Cologne Guerlain, imaginée pour l’Impératrice Eugénie, en 1830, sera brevetée à son tour et précieusement conservée dans le célèbre flacon aux 69 abeilles qui fait sa réputation encore aujourd’hui. Au milieu du XIXe siècle, la fabuleuse eau se décline chez les grands parfumeurs mais aussi pour les classes populaires dans des bonbonnes ordinaires sur les étals des bazars. L’air sent la bergamote, le romarin, le citron, l’orange, la bigarade. On l’inhale, la boit, la plonge dans le bain et on s’en sert même en lavement !
Symbole de la parfumerie moderne
À travers l’Eau de Cologne, l’exposition raconte aussi l’histoire de la parfumerie moderne et le phénomène de popularisation du parfum avec la naissance des eaux de toilette : Eau Fraîche de Dior, Eau d’Hermès, Eau de Rochas… Ces dernières assurent un succès commercial sans précédent, d’autant plus qu’elles sont très demandées aux États-Unis. L’eau de Cologne, dès lors, mondialisée, ne cesse d’être recomposée en adéquation avec les goûts de son époque.
En 2001, Mugler crée sa Cologne et réintroduit le mot et le concept, tandis que Frédéric Malle crée la Cologne Bigarade. Chaque année, il se vend des millions d’Eau de Cologne (3 millions pour la Cologne Saint-Michel bon marché, une vraie manne financière !). « J’ai eu la chance de rencontrer Jean-Marie Farina pour le projet de cette exposition » dit avec malice Jean-Claude Ellena, pour parler du descendant du parfumeur, qui porte le même prénom. Preuve que l’Eau de Cologne est toujours bien vivante et nul doute qu’on ne cessera de l’inventer, encore et encore.
À voir « La Fabuleuse histoire de l’Eau de Cologne » au musée international de la parfumerie, jusqu’au 5 janvier 2020.2, bd du Jeu-de-Ballon 06130 Grasse www.museesdegrasse.com
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