Si les parapharmacies et les pharmacies low cost ne sont pas un phénomène nouveau, leur nombre commence à faire déchanter certains pharmaciens inquiets. Les parapharmacies se concentraient majoritairement dans les centres commerciaux, et les pharmacies d’officine présentant une stratégie low cost étaient en nombre limité. Ce n’est plus vrai. Des enseignes jouent la carte low cost, à l’instar d’Univers Pharmacie ou de Lafayette. Cette dernière vient d’atteindre les cent pharmacies affiliées en France. Ces réseaux mettent en avant la bonne santé financière de leurs adhérents qui multiplient la fréquentation de leur espace de vente, augmentent les volumes vendus et peuvent proposer des prix particulièrement bas. Face à eux, des confrères souffrent parfois de la situation. Certains veulent croire que cette stratégie low cost ne peut tenir dans la durée et subissent la situation en silence, attendant de voir le concurrent agressif disparaître de lui-même. Mais le temps passe ; ils tentent alors d’entrer en concurrence sur les prix. Sans grand succès. Pour Xavier Pavie, professeur à l’ESSEC Business School, c’est précisément ce qu’il ne faut pas faire. « L’important ce n’est pas la boîte de médicament mais le conseil, le service qui doit être valorisé. La problématique est différente de celle d’un supermarché qui propose des produits moins chers parce qu’il achète en masse pour vendre en masse, ce qui veut dire qu’il n’a pas le temps pour le conseil. »
Rapports confraternels
Titulaire à Tours dans une pharmacie de centre-ville, Delphine Jusseaume a vu s’installer, il y a un peu plus de deux ans, une consœur aux couleurs Lafayette à 700 mètres. Loin de paniquer, la jeune femme est rodée au phénomène. « Nous avons déjà une autre pharmacie en centre-ville (à même distance – NDLR) qui fait des prix d’appel, ainsi qu’une grosse officine dans une zone commerciale très développée à 5 km de là. À cela s’ajoutent trois pharmacies mutualistes, donc nous vivons dans un environnement de prix bas. » Sa pharmacie de quartier a toujours travaillé pour afficher des prix peu élevés, en négociant avec les fournisseurs et en limitant ses marges. Mais surtout, Delphine Jusseaume mise sur le conseil et le contact avec ses clients. « C’est possible parce que je suis installée dans un quartier où les gens ont un pouvoir d’achat. Ils n’achètent pas à tout va, mais quand le conseil est bon, ils reviennent. » Les services qu’elle propose sont aussi appréciés, comme la livraison à domicile, ce que la pharmacie Lafayette à proximité ne développe pas. Autre atout dans cet environnement particulier : les pharmaciens entretiennent de bonnes relations. « On se dépanne, on s’envoie des clients, nos rapports sont confraternels. » Avec la titulaire d’une officine située à 800 mètres, Delphine Jusseaume a abordé en amont le sujet de l’arrivée d’une pharmacie Lafayette. « On a rapidement conclu que nous ne pouvions pas baisser davantage nos prix, mais finalement on se rend compte que les clients qui viennent chez nous n’ont pas la même stratégie d’achat et nous ne donnons pas le même type de conseil que notre consœur. Tours est une ville un peu bourgeoise dont les habitants apprécient qu’on s’occupe d’eux. On a misé sur ce que nous faisions déjà. Il m’est arrivé de proposer des lots en cosmétique, avec des flacons de 500 ml… qui ne se vendent pas car ce n’est pas ce que ma clientèle recherche en venant dans mon officine. » Au final, une pharmacie low cost de plus dans l’environnement proche de Delphine Jusseaume n’a pas eu d’impact sur la fréquentation de son officine ou son chiffre d’affaires.
Se remettre en cause
Dès lors qu’ils optimisent leur valeur ajoutée, les confrères peuvent tirer leur épingle du jeu, même avec une parapharmacie ou une pharmacie low cost en face de leur officine. À Paris, l’une des pharmacies les plus emblématiques du phénomène est sans aucun doute la Citypharma de la rue du Four, dans le 6e arrondissement. Largement connue au-delà des frontières françaises, l’officine draine de nombreux touristes venus faire le plein de produits cosmétiques français avant de repartir dans leur pays. Pourtant, les confrères situés non loin de là n’ont pas baissé le rideau. Chacun a su valoriser son savoir-faire et sa différence. L’accueil et le conseil sont les maîtres mots pour fidéliser une clientèle qui souhaite un véritable échange. Des exemples qui rassurent, même s’il reste de mise de s’inquiéter à l’arrivée d’un nouveau concurrent. L’occasion de se remettre en cause et de coller au plus près aux attentes de sa clientèle.
En région, une enseigne low cost ne passe pas inaperçue et peut ainsi détourner les clients de leur officine habituelle de manière durable. En aspirant toutes les ventes OTC et de parapharmacie, elle met les confrères voisins dans une situation difficile, les ordonnances étant moins rémunératrices. Et provoque la colère de pharmaciens qui fustigent un service aux patients « en moins de trois minutes », des méthodes dignes de la grande distribution, et des diplômes qui se perdent « pour vendre en promotion » tout en « portant atteinte à notre profession ».
Pour Xavier Pavie, toutes les pharmacies, quelle que soit leur stratégie client, peuvent trouver leur place dès lors qu’elles valorisent leur segmentation et offrent une expérience client particulière. « Pourquoi est-ce qu’un client va recommander mon officine ? Certainement pas parce que je suis le moins cher, c’est une mauvaise raison qui signifierait que je n’ai rien d’autre à offrir que des prix. Chacun doit réfléchir à ce qu’il peut proposer et que son concurrent ne peut pas faire. »
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